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Café-Librairie « Le Bateau Livre» : Là où Coline a jeté l’ancre
Les cafés et les librairies sont des lieux attirants. À Pénestin (56), un peu à l’écart de tout, le café-librairie « le Bateau Livre » a séduit Coline Hugel qui l’a repris en 2018. Avec le désir de recouvrer l’essence de son métier de libraire dans un cadre apaisant. Découverte.
« Les Bretons sont capables de faire des kilomètres quel que soit le temps pour profiter d’un lieu agréable. » Coline Hugel, elle aussi, n’a pas hésité, en 2018, à quitter la librairie qu’elle tenait à Bergerac, en Dordogne, pour poser ses valises à Pénestin, à la pointe sud du Morbihan. La raison de cette migration ? Reprendre un café-librairie… et « près de l’océan », précise l’intéressée. C’est par hasard, à la faveur d’une annonce postée sur Facebook, que la libraire a eu vent de la mise en vente du Bateau Livre. Une petite annonce qui a eu l’effet d’un appel du large pour Coline auquel elle a succombé sans hésiter. « J’avais envie de recouvrer l’essence de mon métier – le conseil et les échanges avec les lecteurs – et de trouver un cadre de travail et de vie apaisant », explique la libraire qui a été séduite par ce lieu hybride.
Un pari un peu fou
Après 11 années passées à Bergerac à tenir une librairie indépendante et généraliste, qu’elle avait reprise et qui employait trois vendeurs, elle voulait changer d’air pour « travailler autrement dans l’espoir de travailler un peu moins… et surtout, de faire beaucoup moins de plannings et d’administratif ! ». La direction d’une librairie, Coline Hugel l’avait voulue, à l’époque, par « besoin d’autonomie et de liberté ». Elle avait exercé cinq ans comme libraire chez Sauramps, la grande librairie de Montpellier, dans la foulée de sa formation initiale « métiers du livre » à l’IUT d’Aix-en-Provence. Aussi, l’idée de reprendre ce café-librairie breton avait tout pour la séduire : un lieu atypique, une taille humaine et un environnement agréable, entre mer (à 900 mètres) et campagne.
Le premier rendez-vous avec Marie-Paule Gaudin et Pascal Mucet, le couple de fondateurs de l’entreprise, a confirmé son intuition. Ces deux fonctionnaires avaient mis les voiles de l’Éducation Nationale en 2005, pour ancrer leur désir de librairie dans un café fermé depuis un an du hameau du haut-Pénestin. Ils lui ont raconté leur histoire : ce projet un peu fou d’ouvrir une librairie dans un coin un peu perdu, à l’écart même du chemin de randonnée qui longe la côte en direction des plages de Camaret et de la pointe du Halguen. Et contre toute attente et leurs craintes de départ « de ne vendre qu’un livre pour 15 bières », rapporte Coline Hugel, ils ont réussi à mener leur barque pendant 13 ans. « On s’est tout de suite reconnu, confie la libraire en repensant à sa première rencontre avec les fondateurs, on s’est tellement bien compris qu’au bout des quatre heures de discussions ininterrompues, ils se demandaient pourquoi je repartais… ce que je pensais également de mon côté. » En quittant la Bretagne, ce jour-là, avait-elle à l’esprit ce vers du Bateau Ivre de Rimbaud : « les fleuves m’ont laissé descendre où je voulais » ?
L’impression d’enfiler des charentaises
Les coups de foudre pour le lieu et entre les créateurs et la repreneuse durent toujours. Les fondateurs pénestinois à la retraite fréquentent régulièrement le café-librairie. L’occasion pour Coline, qui est dans sa deuxième année à la barre du Bateau Livre, de leur demander de temps à autre des conseils. « Mais franchement, la transmission s’est déroulée comme dans un rêve, au point que j’ai eu l’impression d’enfiler des charentaises en reprenant l’affaire », éclate de rire la libraire.
Le fait de travailler en binôme avec Vincent, le fils des anciens propriétaires et responsable de la partie bar du commerce, a aussi facilité la transition. A-t-elle ressenti, cependant, quelque appréhension à l’idée de venir s’installer ici, dans ce hameau et dans une région qu’elle ne connaissait pas ? La réponse est laconique et négative. « Quand j’ai repris la librairie de Bergerac, là encore, je ne connaissais personne, alors… » Et puis, argumente-t-elle, « la clientèle était déjà fidélisée ».
Et une clientèle qui est très diverse. Ce sont les locaux d’abord, installés à l’année à Pénestin et, plus largement, dans ce vaste territoire compris entre Guérande au sud, Redon à l’est et Vannes au nord. « Je suis la dernière librairie indépendante dans cette zone de chalandise importante », précise la patronne du Bateau Livre. Cette clientèle, la libraire la qualifie de « public majoritairement convaincu, engagé et militant en faveur du local et de l’écologie et donc à la recherche d’ouvrages qui lui correspond ».
C’est un café, on peut y aller…
Il y a ensuite les propriétaires de résidences secondaires qui, les week-end ou pendant les vacances scolaires, viennent se reposer en bord de mer. Ce qui représente un potentiel de clientèle non négligeable puisque la population estivale de Pénestin, dont 75% du parc immobilier est composé de résidences secondaires, est multipliée par 20.
Et enfin, à la faveur de balades et de découvertes de la côte, il y aussi, bien évidemment, les vacanciers, flâneurs et randonneurs, qui font escale au Bateau Livre. Et la libraire de s’amuser d’entendre parfois ces touristes s’apostropher : « Tiens c’est un café, on peut y aller ! ». Bien leur en prend : les visiteurs assoiffés ou affamés peuvent s’y rafraichir avec toutes sortes de boissons et se rassasier de soupes, de tartines ou d’assiettes composées de produits locaux. Mais aussi s’éveiller aux nourritures, tout aussi terrestres, de la partie librairie.
Au menu, de cette librairie généraliste, trois plats principaux : la littérature, notamment américaine, le polar et la jeunesse. Les clients y trouvent également une offre de bandes dessinées qui s’est étoffée depuis que Coline Hugel est aux commandes et… des livres de cuisine « parce que j’adore ça ». « J’ai beaucoup de chance car j’exerce le métier que les libraires voudraient tous pouvoir faire : je ne vends que ce que j’aime ! », se délecte la libraire qui, après une pause, sourit « voilà, c’est juste trop bien… ». Arrimée à la barre du Bateau Ivre, Coline Hugel entend garder ce cap et ne pas céder au rythme effréné des nouveautés et du renouvellement permanent du stock impulsé par les distributeurs. Un choix qu’elle assume, certaine que « c’est aussi l’intérêt des éditeurs de me permettre de défendre des ouvrages qui ont des difficultés à exister ailleurs ».
Des horaires d’ouverture originaux
Les résultats d’activité la confortent dans son choix d’avoir repris ce commerce. Le chiffre d’affaires, composé à 65% par la vente de livres, est à la hausse depuis la première année d’exercice. . L’activité de la boutique a aussi été dynamisée par un reportage dans l’émission La Grande Librairie . « Une vidéo qui fait encore venir du monde dans la librairie depuis sa diffusion en novembre 2018 », se réjouit la dirigeante. La boutique a trouvé son rythme de croisière avec des horaires d’ouverture pourtant originaux. Ouverte tous les jours pendant les vacances scolaires et les vendredis, samedis et dimanches le reste de l’année, le commerce ferme en janvier et février.
Dans une région qui a vu renaître les cafés-librairies et qui en compte le plus en France, le Bateau Livre est membre de Calibbreizh. Cette fédération des cafés librairies de Bretagne réunit 19 établissements du territoire proposant de découvrir des ouvrages et des auteurs autour d’un produit et/ou d’une boisson du terroir. À ce titre, le Bateau Livre participe aux trois manifestations littéraires, au printemps, à l’été et à l’automne, organisées par l’association. Mais le café-librairie de Pénestin propose aussi toute l’année ses propres animations en conviant des auteurs pour des rencontres-dédicaces ou des lectures de textes, et des photographes pour des expositions organisées dans les 90 m² de la boutique. Sans oublier les concerts en terrasse aux beaux jours qui contribuent à faire du café-librairie un lieu de vie apprécié. Là où Coline a jeté l’ancre.
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