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Storybulle : Comic trip
À le voir, on le croirait presque sorti d’une BD, plongé dans le monde du 9ème art depuis toujours. Et pourtant, l’entrée de François Carole dans le secteur s’est faite sur le tard. Il a ouvert en février 2015 sa librairie « Storybulle », spécialisée dans la bande dessinée à Montreuil (93), après 25 années passées dans la publicité en tant que graphiste…Et une longue réflexion de deux ans et demi.
« Honnêtement, je n’avais pas au départ un projet de librairie ! », confie François Carole. Ce qu’il avait en tête, c’était de s’établir comme commerçant pour « être chaque jour en contact avec des clients, ce que je n’avais pas dans mon métier ». C’est son libraire de quartier, dans le 17ème arrondissement de Paris, où il avait l’habitude d’acheter ses BD favorites, qui lui a mis la puce à l’oreille… avant de lui mettre le pied à l’étrier. « Il m’a expliqué le métier, le fonctionnement du secteur de l’édition et, très concrètement, m’a aidé à monter mon projet en me prenant pendant trois mois en stage ». L’aspirant libraire est ensuite parti en formation à l’Institut national de formation des libraires (INFL), situé à Montreuil. Cette formation de 15 jours dédiée aux personnes en reconversion professionnelle a pour objectif de les aider à « créer ou reprendre une librairie » en leur permettant de maîtriser les trois dimensions clés du métier : l’assortiment de l’espace de vente, la relation avec la clientèle et la gestion de l’entreprise.

Bien s’entourer
Le choix de se spécialiser dans la vente de BD et d’ouvrir en 2015 Storybulle apparaissait, pour lui, comme une évidence. La bande dessinée, c’est d’abord sa passion ! « Une librairie spécialisée c’est, aussi et surtout, beaucoup plus simple à gérer qu’une boutique généraliste qui mobilise un nombre plus important de catégories d’ouvrages, de références et d’intervenants dans le monde de l’édition », explique François Carole. « Et puis, se souvient-il, ce qui a été déterminant dans mon choix, c’était de pouvoir rejoindre le réseau Canal BD qui réunit et soutient les libraires spécialisés dans la bande dessinée ».
L’autre facteur décisif dans la conduite de son entreprise a été de savoir s’entourer de collaborateurs compétents. « Au-delà de leur connaissance du métier, les deux vendeurs avec lesquels je travaille ont, surtout, des goûts en matière de BD bien différents des miens. » S’il affirme, pour sa part, n’avoir pas d’univers favori en particulier, il affiche cependant un goût prononcé pour le genre du polar. Il plébiscite notamment « Nada, la belle adaptation du roman de Jean-Patrick Manchette par Max Cabannes, reconstituant très bien cette France des années 70 ». Il a aussi un petit faible pour les récits intimistes ou retraçant une histoire personnelle, comme le très fameux ouvrage de Riad Sattouf, l'Arabe du futur.
Ni le stock, ni les conseils
Cette complémentarité entre les vendeurs, qu’il qualifie d’ « essentielle », leur permet de mieux gérer la richesse de la production éditoriale. Car si la librairie est, à ses yeux, « un commerce comme un autre », c’est aussi une entreprise qui nécessite une gestion des stocks assez précise et particulière puisqu’il est possible de renvoyer aux éditeurs les ouvrages non vendus (le droit de retour).
« Tiens, j’y repense, il y a aussi cette BD que j’ai adorée… » Et François Carole de présenter Malaterre, l’histoire tout à fait singulière d’un père qui embarque ses deux ados pour l’Afrique équatoriale, sur les traces chaotiques d’un passé familial avec lequel il entend renouer. Un ouvrage inspiré de l’histoire personnelle de l’auteur, Pierre-Henry Gomont, qui s’est rendu dans la librairie montreuilloise pour une séance de dédicaces. Ces rendez-vous, que propose assez régulièrement Storybulle (une à deux fois par mois), sont aussi l’occasion pour l’équipe de mieux connaître sa clientèle. « C’est, bien sûr, la partie la plus intéressante de notre métier ; on essaie de guider au mieux nos clients qui, dans la moitié des cas, achètent des BD pour les offrir », confie le gérant. Et pour ce faire, le libraire dispose de deux atouts : un suivi actualisé de la production éditoriale et un stock de 9500 références. Des arguments de poids pour faire face aux mastodontes de la vente de bouquins comme la Fnac ou Amazon. « Ils n’ont ni le stock, ni les conseils », résume, impavide, le libraire indépendant, conscient d’être protégé par la loi Lang qui fixe un prix unique du livre en France.

François Carole peut avoir le sourire. Sa librairie était l’un des tout premiers commerces installés dans cette rue piétonne d’un centre-ville redynamisé. La clientèle de voisinage est maintenant au rendez-vous. « Même si l’on ne s’enrichit pas en tenant une librairie, on profite de son indépendance et de ne pas avoir de patron… »