1er accélérateur des entreprises

Paroles d′expert

« Pour entreprendre, il faut être courageux et déterminé. »

Sur tout le territoire, dans le réseau des CCI locales, territoriales et régionales, des experts mettent leurs compétences au service des entreprises. Rencontre avec Laetitia Albert, conseillère Création et Jeunes Entreprises à la CCI Seine-Saint-Denis engagée au service d’entrepreneurs résilients.

Quel a été votre parcours de formation et professionnel ?

Je suis un bébé CCI ! Après un BTS « action commerciale », une licence « administration et gestion des entreprises » et un master « entrepreneuriat », je suis entrée en mai 2008 à la CCI Paris-Île-de-France. En septembre 2008, j’ai intégré le Centre de formalités des entreprises. Un emploi qui a été très formateur pour l’information juridique et l’accompagnement des créateurs. Et il y a dix ans, en 2014, j’ai rejoint le service création d’entreprise où je travaille toujours. J’ai donc, in fine, eu un parcours assez complet pour exercer des missions de conseil aux porteurs de projet et aux jeunes entrepreneurs.

Laëtitia ALBERT
Laëtitia ALBERT
conseillère Création et Jeunes Entreprises
CCI Seine-Saint-Denis

Justement en quoi consiste votre métier de conseillère en création et jeunes entreprises ?

J’informe et je conseille d’une part, les porteurs de projet sur les démarches à effectuer et sur les aides existantes pour créer leur entreprise et d’autre part, les jeunes dirigeants dans leurs premiers pas d’entrepreneurs. Mon poste a été pensé pour un accompagnement dans la continuité, ante création et post création. Mais dans la réalité, je suis plus fréquemment sollicitée pour des conseils aux porteurs de projet qu’aux jeunes chefs d’entreprise. Un tiers seulement de ceux qui ont bénéficié de nos conseils d’aide à la création d’entreprise reviennent nous voir une fois devenus dirigeant. 

« C’est là le cœur de mon métier : à partir de la formalisation d’une idée, donner corps au projet »

La motivation première des porteurs de projets est financière ; ils identifient bien la CCI comme l’interlocuteur en capacité de les aider dans leur recherche de financement. De fait, ils doivent présenter aux banques un business plan solide qui présente de façon complète leur projet reposant sur une étude de marché, un prévisionnel financier et le choix de la forme juridique de leur structure. C’est là le cœur de mon métier : à partir de la formalisation d’une idée, donner corps au projet. Chaque accompagnement est personnalisé en fonction des besoins mais aussi des compétences d’une grande diversité des porteurs de projets.

En revanche, une fois que leur boîte est créée, ils ont souvent l’impression de n’avoir plus besoin d’aide. Cet accompagnement post création est pourtant essentiel. Des chefs d’entreprise reviennent d’ailleurs nous voir quelques mois après leur installation face aux difficultés qu’ils rencontrent dans la gestion de leur structure.

Cet accompagnement est pourtant décisif.

Les statistiques du Réseau Entreprendre sont formelles : le taux de survie moyen des entreprises à trois ans qui est de 66 %, s’élève à environ 80 % pour celles qui ont été suivies.

Des résultats confirmés par une étude de France Active qui, en 2018, notait que les entreprises accompagnées affichaient un taux de survie de 74 % à quatre ans, soit 10 points de plus que les entreprises non suivies.

Vos missions s’exercent-elles avec le soutien de partenaires ?

Effectivement toutes les actions gérées par notre service qui compte une douzaine de conseillers création d’entreprise, s’inscrivent et sont financées dans le cadre de marchés ou d'appels à projet. Les porteurs de projets sont éligibles à différents programmes ou dispositifs, nationaux ou territoriaux, en fonction de l'avancement de leur projet, leur activité et de leur situation ou profil.

Ainsi, les demandeurs d’emploi peuvent profiter du parcours « Activ’créa » mis en place par France Travail. La CCI a été retenue à la suite d’un appel à projet pour aider les bénéficiaires à identifier la faisabilité et la pertinence d’une création d’entreprise. Pendant trois mois, ils participent à trois ateliers collectifs et ont trois rendez-vous individuels pour acter leur décision. 650 personnes en bénéficient chaque année. 

La Région Île-de-France finance de son côté le programme « Entrepreneur leader » destiné à accompagner des candidats à la création qu’ils soient demandeurs d’emploi – c’est la majorité des cas – ou salariés, mais aussi des jeunes chefs d’entreprise en post création. 220 personnes suivent ce programme annuellement.

Nous sommes aussi opérateur pour l'appel à projet RSA avec le département qui propose un dispositif d’accompagnement à l’entrepreneuriat pour des personnes au RSA, Revenu de Solidarité Active, se traduisant par la création de micro-entreprises. Il bénéficie à 95 personnes par an.

« Notre département connait pourtant une forte dynamique entrepreneuriale mais la création d’entreprise se fait essentiellement sous la forme de micro-entreprise. »

Et enfin, depuis 2017, nous sommes prestataires pour l’Agefiph, l’association d’aide à l’emploi des personnes en situation de handicap, dans le cadre d’un parcours entrepreneurial, ante et post création. Pour ce public, la création d’entreprise reste un parcours compliqué, notamment pour l’obtention de financement. Devenir chef d’entreprise, c’est un moyen pour ces personnes d’avoir une activité rémunérée quand ils n’arrivent pas à trouver un emploi. Cela leur permet aussi de pouvoir plus facilement gérer les temps de soins qu’ils doivent respecter et adapter en conséquence leur planning. En tant que prestataire pour l’Agefiph, nous finalisons 35 dossiers par an, de la formalisation du projet à la gestion de la demande de subvention pour création d’entreprise à l’Agefiph.

Quelles sont les principales difficultés que rencontrent les candidats à la création que vous accompagnez ? 

En premier lieu, le financement car les porteurs de projet que nous accueillons dans notre territoire connaissent des situations diverses. Ils sont au chômage, voire au RSA, ou parfois en situation de handicap. Ce sont des difficultés supplémentaires qui peuvent être pénalisantes pour l’obtention d’un prêt bancaire et ce, d’autant plus, que leur apport de départ est souvent modeste, voire presque toujours insuffisant. 

L’autre difficulté récurrente pour les créateurs en région parisienne, est de trouver des locaux accessibles. Ils sont rares et donc chers. Le propriétaire n’est pas toujours facilement identifiable quand les locaux ne sont pas tout simplement préemptés par les communes. 

Notre département connait pourtant une forte dynamique entrepreneuriale mais la création d’entreprise se fait essentiellement sous la forme de micro-entreprise. Les porteurs de projet en créant leur boite, créent leur propre job. Avec donc, malheureusement, un potentiel de création d’emplois limité.

Organisez-vous aussi des évènements autour de la création d’entreprise ?

Depuis 2024, le Salon « Effervescence » créé par la CCI 95 a succédé au forum « Réussir en Seine-Saint-Denis » qui était dédié à la création et à la reprise d’entreprise et qui a pu réunir jusqu’à 700 porteurs de projet. Le Salon Effervescence s’adresse non plus aux porteurs de projet mais aux entreprises du département.

Par ailleurs, outre nos ateliers « création », mensuels, gratuits et ouverts à tous, nous participons aux forums de nos partenaires, comme celui de France Travail, sur la thématique de l’entrepreneuriat. Nous participons aussi à l’opération « Caravane pour l’insertion et l’emploi » de la ville de Bobigny qui nous permet d’aller à la rencontre des habitants des quartiers pour les sensibiliser à la création d’une entreprise.

« Je m’efforce de recevoir les gens comme j’aimerais être reçue. L’idée d’être utile à des gens qui essaient de s’en sortir, ça me convient bien… »

Toujours dans les quartiers, la CCI Seine-Saint-Denis a remporté l’appel à projets de la banque publique d’investissement, pour former et accompagner, individuellement et collectivement, les chefs d’entreprise installés de moins de trois ans dans un territoire éligible à la politique de la ville et qui réalisent au moins 30 000 euros de chiffre d’affaires.

Qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre métier ?

Sans hésiter : le contact humain ! On ne peut pas bien conseiller quelqu’un qui porte un projet aussi personnel qu’une création d’entreprise sans s’intéresser à sa vie, car l’aventure entrepreneuriale aura nécessairement un impact sur son entourage et ses proches. Dans notre mission, il faut aussi avoir la capacité de s’adapter au profil et à la personnalité du porteur de projet. Et faire preuve de bienveillance, d’écoute et d’échange avec les personnes qui nous sollicitent. Je m’efforce de recevoir les gens comme j’aimerais être reçue. L’idée d’être utile à des gens qui essaient de s’en sortir, ça me convient bien…

J’essaie de leur apporter un regard extérieur, bienveillant mais aussi parfois critique, sur leur projet. Ils ont souvent le nez sur le guidon et ne voient donc pas toujours toutes les questions qui peuvent se poser dans la conduite de leur projet. Mais attention, nous ne sommes pas là pour décider à leur place, mais pour les aiguiller dans leur choix en les alertant si besoin. Notre objectif est de permettre aux porteurs de projet de consolider et de s’approprier leur business plan pour mieux le défendre. Ils apprécient particulièrement une expertise financière et juridique qu’ils ne soupçonnaient pas et qui sécurise leur projet.

Dans le contexte actuel si compliqué et instable, je suis impressionnée par les personnes qui osent entreprendre. Demandeurs d’emploi ou même au RSA, ils se lancent pourtant. Peut-être parce qu’ils pensent que c’est leur dernière chance et qu’ils n’ont plus rien à perdre ! Pour entreprendre, il faut être courageux et déterminé.

À La Courneuve, les entrepreneurs inspirent les stagiaires de l'École de la deuxième chance - 94.citoyens.com - 22/11/2024
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Mis à jour le 17 décembre 2024