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Interview
Le réseau CCI

« Demandez Angela » : Une vendeuse à solliciter en cas de danger

La tranquillité publique est un droit et l’agression ou les outrages aux personnes sont des délits. Mais rappeler les principes et compter uniquement sur l’action de la Police, ne suffisent pas. Pour lutter contre cette réalité du harcèlement et le sentiment d’insécurité qu’il génère, les commerçants-citoyens du centre-ville de Montpellier se mobilisent à l’initiative de la CCI Hérault et de la municipalité. En cas de menace, les victimes peuvent entrer dans les commerces pour se réfugier et demander « Angela » ; elles y seront accueillies et sécurisées.

L’enquête Virage de l’Institut d’études démographiques sur « les violences et rapports de genre » date de 2015 mais la situation a-t-elle réellement changé ?

Une femme sur cinq déclarait avoir été victime de drague importune, de harcèlement de rue ou de violences sexuelles en France. Alors, que faire face à ce constat accablant d’une intranquillité publique qui touche aussi les mineurs ou les personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) ?

Agir, tout simplement, et agir collectivement !

Flyer commercants Angela
Flyer « Demandez Angela »
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La CCI Hérault a pris ses responsabilités pour apaiser la capitale du département. En 2021, alertée par les commerçants et les unions commerciales du centre-ville de Montpellier, la CCI a lancé le dispositif « Maguelone », rejoint dans la foulée par la municipalité. L’objectif était d’offrir aux personnes menacées ou se sentant menacées dans l’espace public, un lieu de refuge dans les commerces affichant le logo « Maguelone, opération contre le harcèlement de rue ». Avec une promesse faite par le commerçant ou la commerçante : se rendre disponible au plus vite pour accueillir la victime dans sa boutique sans lui demander de rendre compte de la situation, la mettre à l’abri des regards dans le magasin avant, si elle le souhaite, d’appeler un proche ou la police.

Cet engagement de la Chambre de commerce et d’industrie pour la tranquillité du cœur de ville va de soi pour son Président, André Deljarry. « On doit tout simplement pouvoir venir en centre-ville sans risque d’être importuné. Il était donc naturel de nous engager aux côtés de nos commerçants pour offrir une solution qui permette de rassurer la clientèle… » Et l’élu consulaire d’ajouter, « un client serein, c’est aussi un client qui revient ».

En novembre 2024, pour plus de visibilité et de reconnaissance, le dispositif montpelliérain « Maguelone » qui avait séduit une trentaine de commerçants a changé de dénomination en intégrant le réseau « Demandez Angela », né en Angleterre et dupliqué dans de nombreuses villes de France. Si le dispositif a changé de nom, il reste identique dans son fonctionnement et ses objectifs.
 

La démarche se matérialise par la distribution d’autocollants que les commerçants engagés volontairement dans l’opération appliquent de façon bien visible sur la devanture de leur boutique.

Ils ne peuvent le faire qu’après avoir suivi une formation de deux heures organisée par et à la CCI, avec les associations de commerçants et le concours d’une association de lutte contre les violences faîtes aux femmes.

Le protocole est simple. Les étapes de prise en charge de toute personne qui demande à parler à une pseudo vendeuse dénommée Angela, sont : l’accueil bienveillant, la mise à l’abri, l’écoute, la rassurance et l’appel, si besoin, à des secours, un proche ou un taxi.

Avec pour crédo qu’entrer dans une boutique qui affiche le logo « Demandez Angela », c’est fermer la porte à la tentative d’agression ou au harcèlement. Autrement dit, le commerce de proximité sert de refuge à la victime et fait barrage à l’agresseur.

95 lieux de refuge en centre-ville

Fin mars 2025, 95 établissements (boutiques, cafés, hôtels, restaurants, pharmacies…) – dont ¾ de commerces – du cœur de ville de Montpellier affichent le logo du dispositif. Si la CCI ne se donne pas d’objectif en nombre de magasins inscrits, elle cherche « à quadriller la ville pour ne pas avoir de zones sans lieu de refuge » explique André Deljarry.

Soufiane Bouasbiya, gérant de la boutique de prêt-à-porter « Danae store » à Montpellier, abonde dans le sens de sa Chambre de commerce et d’industrie. « Le maillage de la ville devrait ressembler à une toile d’araignée pour rassurer les habitants et leur donner envie de déambuler tranquillement dans les rues ». Et le commerçant d’expliquer très simplement son engagement personnel dans le dispositif.

« C’est juste une affaire de civisme de vouloir offrir une protection à une personne qui pourrait être ma sœur, ma mère ou mon fils ». Cela va sans dire, mais cela va encore mieux si l’on s’y prépare. De retour de formation, le gérant a détaillé à ses vendeuses, participantes volontaires, « les actions à mener pour prendre en charge une victime sans se mettre en danger soi-même ». La simple mise à l’abri de la victime dissuade l’agresseur de poursuivre son entreprise, craignant par ailleurs d’être filmé par les potentielles caméras du commerce. Une participation bien comprise car, précise-t-il, « avant d’être commerçant, on vit ici dans cette ville et on doit donc être solidaire les uns des autres ». 

Signature Convention ANGELA

Les commerces de proximité jouent un double rôle, de vigie et de refuge.

Ce sentiment est partagé par Gaëlle Griffon qui gère, seule, son magasin de bijoux fantaisie, « l’Instant d’Apprêts ». « J’ai deux filles et j’apprécierais qu’elles puissent trouver refuge dans une boutique s’il leur arrivait quoi que ce soit ». Son implication dans le dispositif, en tant que commerçante et présidente d’une Union commerciale, elle la justifie par « le rôle d’acteur de proximité du commerçant qui est tenu d’assurer du lien social dans le quartier et par la nécessaire lutte contre les incivilités grandissantes dans le centre-ville ». Pour la gérante, « l’intranquillité n’est clairement pas bonne pour le commerce ; cela n’incite pas à flâner, à déambuler devant les magasins pour y faire des achats d’impulsion… ».

Vigilante, Gaëlle Griffon a d’ailleurs créé un groupe WhatsApp, unissant les commerçants de son association, pour signaler les comportements étranges ou potentiellement malveillants repérés dans les rues du quartier. Entre le groupe sur le réseau social et le dispositif « Demandez Angela », les commerces de proximité jouent un double rôle « de vigie et de refuge » comme le résume Gaëlle Griffon.

Les commerces de proximité jouent un double rôle « de vigie et de refuge »

Une expérience que la commerçante a vécue personnellement lorsqu’elle est sortie de sa boutique pour prendre soin d’une jeune femme victime d’un vol à l’arraché devant ses yeux. « Elle était au sol, en pleurs et en état de choc quand je lui ai porté secours, se demandant où je l’emmenais car elle ne connaissait pas le dispositif Maguelone », se souvient la gérante qui a offert à la victime un verre d’eau, lui a donné le temps de reprendre ses esprits avant d’appeler sa sœur.

Vous aussi, devenez Angela !

Si les deux commerçants saluent vivement l’engagement de la CCI dans ce dispositif, ils sont aussi unanimes à considérer que la démarche devrait être mieux connue des habitants et portée plus largement dans tous les lieux accueillant du public.

De fait, même s’ils ne sont pas les seuls à pouvoir jouer le jeu, les commerçants affichant le logo du dispositif ne représentent que 10 % des 850 commerces du centre-ville de Montpellier. Il y encore des marges de progression... Au titre des améliorations, Soufiane Bouasbiya émet l’idée, à l’attention de la CCI, de questionner les commerçants sur les améliorations possibles du dispositif, quand Gaëlle Griffon, elle, plaide pour une relance de la campagne de communication en multipliant les canaux de diffusion, des affichages dans les transports en commun jusqu’aux messages dans les radios locales et sur les réseaux sociaux.

Cette démarche d’apaisement du cœur de ville, la CCI aimerait aussi pouvoir la reproduire dans d’autres villes du département comme Béziers et Sète en priorité avant Lunel ou Clermont-l’Hérault, à la faveur des conventions nouées avec ces municipalités. Mais pour y parvenir, dans le chef-lieu comme dans les autres communes potentiellement concernées du département, il faudra mobiliser tous les établissements de proximité susceptibles d’accueillir les victimes. Avec un mot d’ordre à afficher : « Vous aussi, devenez Angela ! ».

 

Pour découvrir le Plan Angela | Arrêtons les violences

Pour en savoir plus sur la mobilisation montpelliéraine 

Mis à jour le 7 avril 2025