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L’entreprise éphémère pour l’emploi : tous ensemble !

Créer une entreprise pour créer son emploi est une chose, mais créer une entreprise pour trouver un emploi à son collègue est plus original. Tel est l’objet, forcément social, de l’entreprise éphémère pour l’emploi qui, du 15 avril au 28 mai 2025, accueille dans les locaux de la CCI à Saint-Étienne, une cinquantaine de jeunes issus majoritairement des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ils ont sept semaines pour trouver, tous ensemble et à chacun, un emploi ou une formation en alternance. Coup de projecteur sur une opération née avec l’appui d’une CCI… 

Vous ne demandez pas un emploi, vous le chassez ! Et vous le chassez en meute ! Voilà le mot d’ordre revendiqué de l’Entreprise Éphémère pour l’Emploi (EEE) portée par Le 30 FAB, cabinet de conseil spécialisé dans la revitalisation des territoires et le développement de l’emploi. Décidée et financée par la Préfecture de la Loire et Saint-Étienne Métropole, avec le soutien de France Travail, de la Mission Locale et de la CCI Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne, cette entreprise originale a pour seul objet la recherche d’emploi.

La chasse aux emplois cachés

Du 15 avril au 28 mai 2025, une cinquantaine de jeunes âgés de 18 à 30 ans, d’un niveau de formation allant de l’infra Bac au Master et habitant en majorité les quartiers prioritaires de la politique de la ville de Saint-Étienne, est accueillie dans les locaux de la Délégation de Saint-Étienne de la CCI.

De là, ils partent chaque jour à la chasse aux emplois cachés. Une démarche qu’ils entreprennent, non comme demandeurs d’emploi, mais en tant qu’associés de l’entreprise « ÉphémèrIA ». « ÉphémèrIA, c’est le nom qu’ils ont eux-mêmes choisi, avec un clin d’œil à l’Intelligence Artificielle, parce qu’ils veulent incarner le futur » se réjouit Sandrine Gineste, la Directrice associée du 30 FAB et pilote de l’EEE de Saint-Étienne. 

Pour atteindre leurs cibles, trois coachs, recrutés spécialement pour l’opération par le cabinet conseil, sont là pour les épauler. Ayant exercé dans les ressources humaines, le commercial ou la communication, ces intervenants ont été formés à la méthode de coaching collectif de l’EEE. Cette formation leur a permis, par ailleurs, d’obtenir le Certificat de compétences en entreprise « exercer la mission de formateur en entreprise » délivré par la CCI. 

Entreprise Ephémère pour l'Emploi 2025

Ce n’est pas parce que l’on est éloigné de l’emploi, qu’on ne trouvera pas !
Et même s’il n’est pas visible !

Dans le viseur, les chasseurs ont deux types de proie en vue : d’une part, des activités répondant à des besoins réels des entreprises mais non encore traduits en offres d’emploi et d’autre part, des propositions de poste que les employeurs réservent à leur réseau… Pour faire sortir du bois ces jobs, rien de tel qu’une battue organisée. Avec l’EEE, la recherche d’emploi, seul dans son coin et donc potentiellement décourageante, se transforme ainsi en entreprise au nom du collectif. Ne pas penser qu’à soi mais travailler au contraire pour l’entreprise commune, doit aider chacun à avancer. Avec un crédo ambitieux : ce n’est pas parce que l’on est éloigné de l’emploi, qu’on ne trouvera pas ! Et même s’il n’est pas visible.

Pour embarquer ces jeunes des quartiers dans l’aventure, cinq journées de réunions de présentation ont été organisées pendant un mois, de la mi-mars à la mi-avril, avec France Travail et la Mission locale de Saint Etienne. « Tous les volontaires étaient les bienvenus et aucune sélection n’a été faite, si ce n’est d’avoir envie de participer à cette aventure collective… » explique la pilote de l’opération. Les participants doivent d’ailleurs signer une charte d’engagement et respecter le règlement intérieur comme dans toute entreprise. Avec des horaires quotidiens à la clé (de 9 h à 17h) et des codes à adopter, notamment vestimentaires. « On leur donne un cadre pour les mettre en condition même si, précise Sandrine Gineste, dans ce cadre fixé, on reste à l’écoute de leurs éventuelles difficultés personnelles. »

« Tous les volontaires étaient les bienvenus et aucune sélection n’a été faite, si ce n’est d’avoir envie de participer à cette aventure collective… »

L’emploi du temps dans cette entreprise éphémère est bien cadencé, avec des présentations d’entreprise et d’organismes de formation chaque matin dans les locaux de la CCI. À l’issue de ces pitchs, il revient aux jeunes de poursuivre ou pas, les échanges dans le cadre d’entretiens en face-à-face avec les intervenants. Des ateliers sur les réseaux sociaux dédiés à la recherche d’emploi, à l’utilisation de l’IA ou, avec le concours de la CCI, sur l’alternance et l’orientation, sont aussi organisés quotidiennement. L’après-midi, les jeunes associés le consacrent aux tâches de leur service de rattachement. 

Une soixantaine d’entreprises éphémères et 3 000 personnes insérées

Chaque participant récupère à son arrivée un ordinateur mis à disposition par Le 30 FAB et choisit son service et donc ses missions. Il a le choix entre cinq départements : 

  • le démarchage par téléphone des entreprises, 

  • les rendez-vous en face à face avec les recruteurs pour identifier des emplois ou des contrats en alternance, 

  • la mise en ligne sur la plate-forme numérique des offres d’emploi dénichées, 

  • les ressources humaines pour la mise au point des CV, la simulation d’entretiens de recrutement 

  • la communication interne et externe d’EphémérIA.

Concrètement, les associés partent en binôme ou en trinôme, en prospection dans les entreprises, pour rapporter le plus d’offres possible, en CDD, CDI ou en alternance, qui sont ensuite enregistrées dans la plate-forme web pour partage entre les membres. 

L’investissement demandé aux participants n’est pas anodin. Un participant sur dix renonce en cours de route. Mais les résultats des EEE récemment créées dans le département voisin du Rhône, en 2022 à Vénissieux et en 2024 à Vaulx-en-Velin, avec des taux d’insertion respectifs de 90 % et 80 % – pour moitié sous forme d’emploi, pour moitié en formation en alternance – incitent à l’optimisme. Une confiance assise sur le bilan national de ces Entreprises Éphémères pour l’Emploi : la soixantaine d’EEE ayant vu le jour a permis d’insérer 3 000 personnes (jeunes, seniors, chômeurs de longue durée…).
Avec un taux d’insertion pour le public « jeune » oscillant entre 75 % et 90 %.

Entreprise Ephémère pour l'Emploi 2025

Apprendre à travailler ensemble et les uns pour les autres

Mais l’important est aussi le chemin parcouru. « L’expérience va être exigeante mais aussi enrichissante pour les jeunes » estime Véronique De Carlo, la responsable territoriale de la Délégation de la CCI à Saint-Etienne. Pendant sept semaines, ils vont gagner en confiance, apprendre à travailler ensemble et les uns pour les autres, à tenir le rythme sur la durée mais aussi les horaires de travail, découvrir le monde et les codes de l’entreprise, rencontrer des recruteurs et des organismes de formation pour commencer à se faire un réseau et développer de nouvelles compétences en gagnant en aisance relationnelle et en autonomie, les fameuses « soft skills » qui font souvent la différence.
De leur côté, les entreprises vont pouvoir rencontrer en un temps très court « un vivier de talents disponibles, des jeunes par nature motivés et ce, gratuitement » argumente Sandrine Gineste.

« Et des profils différents auxquels les recruteurs n’auraient pas nécessairement pensé. C’est l’atout diversité de l’opération ! »

Véronique De Carlo.

Des bénéfices et des résultats en termes d’emploi mais aussi d’image qui ont convaincu, avant Saint-Étienne, d’autres CCI comme celle du Beaujolais ou celle de l’Allier à participer à l’opération. Le dispositif est même né grâce à l’appui d’une CCI, celle du Pays d’Arles. En 2015, les deux inventeurs de l’idée¹ travaillant en tant que prestataires pour le département formation de la CCI ont fait un constat : le public éloigné de l’emploi qu’ils avaient formé comme agent d’accueil pour le Festival de photographie des Rencontres d’Arles allait, à l’issue de leur contrat d’insertion, se retrouver au chômage. D’où l’idée de rester ensemble, à la CCI, en créant une entreprise pour retrouver à chacun un emploi…

Une démarche innovante et pragmatique

Dix ans plus tard, c’est donc au tour de la CCI Métropole Lyon Saint-Étienne Roanne de soutenir cette démarche qu’Irène Breuil, Présidente de la Délégation de Saint-Étienne, juge « innovante et pragmatique ». « Notre rôle est d’abord d’aider les entreprises mais de donner, aussi, la chance aux jeunes, d’où qu’ils viennent » défend l’élue consulaire qui voit dans ce soutien à l’opération, la concrétisation de l’adhésion de la CCI à la communauté « Les entreprises s’engagent » d’une part et à la fondation locale ILYSE qui favorise le rapprochement des jeunes et du monde de l’industrie, d’autre part.

Oui mais quid de ceux ou celles qui ne trouveraient pas chaussure à leur pied au bout des sept semaines ? Pendant trois mois, les coachs leur prodiguent des conseils pour améliorer leur stratégie de recherche d’emploi ou de formation en alternance. Avec l’espoir pour les jeunes que l’entreprise éphémère, considérée par Véronique De Carlo comme « un sas vers l’emploi », leur permette de faire enfin leur entrée dans l’entreprise

¹ Didier Krief, inventeur du concept avec Céline Garence

Mis à jour le 12 mai 2025