1er accélérateur des entreprises

Planète Expression : le parcours d’une entrepreneure qui a su changer d’univers

Quand une professionnelle de la finance d’une quarantaine d’années et mère de quatre enfants décide de prendre un virage à 180 °pour se lancer dans la création d’entreprise, cela donne « Planète Expression », une entreprise de communication par le textile, ludique, responsable et locale. Une entreprise qui a joué dès le début la carte, non seulement du Made in France mais du « Made in 95 », et qui a pu profiter, à ce titre, du soutien et de l’accompagnement de la CCI Val d’Oise. 

L’aventure entrepreneuriale nait parfois d’un refus. Après vingt ans passés à gérer des portefeuilles sur les marchés financiers, Alice Sadrin a décidé de se jeter à l’eau et de créer à 43 ans son entreprise de confection. « Je ne me retrouvais plus dans cet univers bancaire dans lequel j’évoluais depuis tant d’années. J’avais l’impression de stagner, j’avais tout simplement envie d’autre chose… disons, de donner du sens à mon travail ». On a beau côtoyer l’entrepreneuriat aux côtés d’un époux chef d’entreprise dans le bâtiment, passer de la gestion de portefeuilles à la couture n’allait pas forcément de soi. C’était pour elle un grand saut dans l’inconnu ! Allait-elle pouvoir s’investir dans ce projet et tenir le coup en partant de zéro et avec une famille de quatre enfants dont le petit dernier âgé de quatre ans à l’époque ? 

Photo Alice Sadrin

Un bilan de compétences a confirmé son intuition : elle n’était tout simplement pas employée dans l’univers lui permettant d’exprimer tout son potentiel. « Je me suis rendu compte que j’avais épousé une carrière par raison plus que par passion. Et pour dire, même sans réelle motivation ! Il était temps de passer à autre chose ; j’avais tout simplement envie de vivre un challenge au quotidien… oui, je dirais presque de revivre… » 

Quand la pandémie du Covid relance son activité

Comme un nouveau départ, elle crée donc en 2016, dans les Hauts-de-Seine, « My Own Kreation », son entreprise de confection confortée dans sa démarche par les compliments de son entourage sur ses vêtements qu’elle concevait elle-même. Avec « My Own Kreation », elle proposait de faire personnaliser, par des couturières qu’elle faisait travailler, les vêtements de ses clients, soit une dizaine de zones possibles pour singulariser chemises et polos de toute la famille. Pour démarrer son activité, elle a commencé par la vente à domicile pendant deux ans. 

Pour accélérer le lancement de son entreprise, elle a voulu vendre ses produits en ligne. L’idée était bonne. Mais le prestataire chargé de réaliser son site permettant aux clients de configurer la personnalisation de leurs vêtements, était lui nettement moins bien intentionné. « Je me suis fait escroquer et j’ai perdu beaucoup d’argent dans l’affaire » confie l’entrepreneure. 

La digitalisation de la structure est donc restée au point mort jusqu’à l’arrivée du Covid. Paradoxalement, malgré une économie à l’arrêt, la pandémie lui a permis de relancer son activité. A peine installée à Bezons (Val-d’Oise) chez l’un de ses actionnaires, elle a été sollicitée sans cesse pour fabriquer des masques qui faisaient défaut à l’époque. « Je n’ai jamais autant travaillé de toute ma vie, jusqu’à 18 heures par jour lors des pics d’activité, en mobilisant le reste de la famille pour tenir la cadence dans une maison qui ressemblait à un atelier clandestin » sourit la cheffe d’entreprise. 

photos badges

L’idée du Smart badge

La crise sanitaire lui a aussi ouvert les portes du marché du BtoB. Elle a ainsi eu l’idée de faire imprimer les logos des entreprises ou des emojis sur les masques qu’elles lui commandaient. Après avoir beaucoup exposé dans différents marchés grand public – marchés de Noël, marchés de créateurs, Salon du Made in France – elle s’est rendu compte qu’elle avait plus d’intérêt à investir le marché du BtoB que la clientèle des particuliers. 

« J’adore détourner un produit pour le transformer ; c’est mon côté créatif et c’est comme ça que je fonctionne »

Elle s’est d’abord lancée dans la conception de cadeaux d’entreprise multipliant les idées de coffrets cadeaux sous la forme de paniers originaux sur différents thèmes, en partenariat avec des enseignes de cosmétique ou des épiceries fines. « J’adore détourner un produit pour le transformer ; c’est mon côté créatif et c’est comme ça que je fonctionne » raconte « Alice aux pays des trouvailles ». La preuve : l’entrepreneure a su début 2023 rebondir face au manque de commande de ses coffrets cadeaux. Et pourquoi ne pas proposer aux entreprises une solution économique et écologique de tenues d’entreprise pour les salons ou opérations évènementielles ? L’idée est simple : au lieu d’imprimer sur des tee-shirts un slogan et/ou un logo pour une unique manifestation (vêtements qui finiront par être jetés), pourquoi ne pas coudre plutôt sur l’objet textile de son choix (polo, tee-shirt, doudoune, bonnet, casquette ou même sac-à-dos…), un support velcro qui accueillera le badge personnalisé dédié à l’évènement.

La solution « Smart badge » était née. L’entreprise peut donc ainsi limiter son investissement publicitaire au seul renouvellement des badges réemployant ses tenues ou accessoires de salon en salon. L’impact de cette communication repose sur la variété des messages et visuels des badges (logo, date, smileys…) et l’économie de l’investissement sur la réutilisation du même vêtement par les collaborateurs (leur tenue officielle) pour chaque manifestation en participant ainsi à la lutte contre le gaspillage.

Coup de pouce et coup de cœur

Ce revirement de positionnement sur un nouveau produit et sur le marché du BtoB, Alice Sadrin a eu besoin de le faire valider. Elle s’est tournée vers la CCI Val-d’Oise qui lui a proposé de suivre pour cela pendant cinq mois, de mai à septembre 2023, le programme "Boost PME" d’accompagnement collectif d’entreprises dans leur développement commercial.

« Rassurée » sur la pertinence de son concept, l’entrepreneure a pu bénéficier de l’exposition que la CCI lui a offerte au MIF Expo au sein du « village #Madein95 » dédié aux entreprises Val-d’Oisiennes qui produisent dans le département avec, autant que faire se peut, des fournisseurs et prestataires locaux. « Je sais maintenant qu’en cas de besoin et même de difficultés, je peux compter sur la qualité des équipes de la CCI. Professionnellement, ça a été un coup de pouce, et humainement, un coup de cœur ! » confie la cheffe d’entreprise qui se souvient que la première commande de ses « smart badges » c’était celle de la CCI pour ses propres équipes qui a renouvelé l’opération pour plusieurs salons par la suite.

« Je peux compter sur la qualité des équipes de la CCI. Professionnellement, ça a été un coup de pouce, et humainement, un coup de cœur ! »

Triplement de son chiffre d’affaires

Toujours en éveil, elle a saisi l’opportunité d’équiper les écoles primaires de la ville de Survilliers (95) en répondant à l’appel d’offres de la commune pour la fabrication des tenues uniques des écoliers. Elle a décroché le marché et livré 350 uniformes (deux pantalons, trois pulls, trois polos, un t-shirt et un jogging pour chaque écolier) 100% made in Île-de-France. « Mi-juin 2024, j’ai eu la confirmation de la l’annonce de l’attribution du marché pour une livraison fin août. Conception, sourcing des fournisseurs, production et livraison, cela a été sportif cet été, ce furent mes Jeux Olympiques à moi ! » sourit la cheffe d’entreprise. La mission a été accomplie dans les temps et avec pour conséquence le triplement de son chiffre d’affaires annuel.

Mais le dossier n’est pas totalement clos dans l’esprit de l’entrepreneure qui pense, déjà, à agrémenter ces tenues uniques, de badges repositionnables pour mettre en avant le rôle de l’enfant dans la classe ou lui permettre d’indiquer avec des smileys son humeur du jour.  « On change ainsi complètement l’expression de la tenue unique qui devient personnalisable et donc moins impersonnelle pour que l’enfant se l’approprie plus facilement » revendique la dirigeante qui en a d’ailleurs profité pour rebaptiser son entreprise « Planète Expression ». Une façon pour elle d’accoler les deux dimensions de sa démarche : la communication et le développement durable.  Un concept qu’elle compte aussi proposer aux écoles privées de la région parisienne.

photo ADC A SADRIN et P KUCHLY

Cultivant la fibre écologique, la dirigeante entend s’attaquer au gaspillage des vêtements promotionnels, utilisés une ou deux fois avant d’être très vite oubliés. Alice Sadrin a pour projet de recycler ces vêtements mis au rancart par les entreprises en les reconditionnant et en y fixant des badges. L’objectif : les revendre pour d’autres évènements et verser les bénéfices à une association.

La dirigeante participe aussi aux rendez-vous de réseautage organisés par la CCI entre entreprises du territoire labellisées « #Madein95 ». L’occasion de rencontrer des prospects et des prestataires potentiels, mais aussi de nouveaux partenaires, membres d’autres réseaux du département. 

Agilité, créativité et… ténacité

Quand elle regarde dans le rétroviseur, l’entrepreneure pointe les étapes de son parcours qu’elle aurait pu négocier différemment et les erreurs qu’elle aurait pu éviter en ayant été accompagnée. « Je me suis positionnée sur un marché sans concurrent, ce qui peut être un atout mais tout aussi bien une alerte : y aura-t-il des clients au rendez-vous ? » analyse l’entrepreneure qui estime que « si c’était à refaire, j’affinerais mon Business model auprès de spécialistes avant de me lancer et je testerai mon marché. Et grâce à eux, j’aurais sans doute évité le prestataire qui m’a volée… ». 

« Je me suis positionnée sur un marché sans concurrent, ce qui peut être un atout mais tout aussi bien une alerte : y aura-t-il des clients au rendez-vous ? »

Avec un positionnement visant dorénavant uniquement le marché du BtoB quels que soient le secteur ou la taille de l’entreprise, « Planète Expression » entend faire du vêtement et des accessoires, un vecteur d’expression des entreprises pour leur communication évènementielle et des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des tenues uniques dans leurs écoles.

Avec un crédo – le vêtement que vous portez porte aussi un message – et un objectif : faire sortir le vêtement promotionnel de la catégorie des goodies jetables. Une offre de service qui pourrait s’enrichir au gré des opportunités ou des nouvelles idées de la fondatrice pour s’adapter en permanence aux tendances et attentes des clients. L’agilité, la créativité et la ténacité ne sont pas que des qualités entrepreneuriales, elles sont, tout simplement, pour Alice Sadrin « une question de survie ».


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Mis à jour le 8 novembre 2024