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« Notre message aux entreprises : sobriété, efficacité et énergies renouvelables »
Sur tout le territoire, dans le réseau des CCI locales et régionales, des experts mettent leurs compétences au service des entreprises. Responsable régionale Environnement & Développement Durable à la CCI Bourgogne Franche-Comté, Claire Nicolas coordonne le Programme Environnemental Régional Fédérateur « PERF » destiné notamment à aider les entreprises à mieux gérer leurs consommations énergétiques. L’expertise des conseillers CCI de la région sera aussi mobilisée dans le cadre de l’opération nationale décarbonation du réseau des CCI.
Ma formation initiale est scientifique. J’ai tout d’abord suivi des études de chimie complétées par une Licence spécialisée en environnement. Dans ce cadre, j’ai effectué mon stage dans une industrie de Franche-Comté où j’ai rencontré un conseiller environnement de la CCI qui m’a ensuite proposé une mission de suivi d’un observatoire régional de gestion des déchets. Progressivement, j’ai étendu mes compétences en me formant aux questions énergétiques et à la responsabilité sociale des entreprises et en occupant des postes de conseillère énergie et santé/sécurité. Une vingtaine d’années plus tard, j’occupe maintenant le poste de Responsable régionale Environnement & Développement Durable.

Responsable régionale Environnement & Développement Durable à la CCI Bourgogne Franche-Comté
Justement, quelles sont vos missions actuelles ?
Je coordonne une équipe d’une vingtaine de conseillers travaillant dans les CCI territoriales de la région autour des thématiques de l’énergie, de l’eau, des déchets et plus globalement de l’environnement. Les thématiques sont nombreuses, couvrant un large panel de réglementations. Nous avons justement pour mission d’informer les entreprises sur les évolutions du cadre légal dans ces domaines et bien sûr, de les accompagner, en propre ou via des cabinets conseil, pour qu’elles se mettent en conformité ou saisissent des opportunités d’action. Nous ciblons nos messages en fonction de nos interlocuteurs qui peuvent être les dirigeants eux-mêmes, des responsables de sites industriels, des responsables santé/sécurité, environnement ou RSE. Il est utile de préciser que nos actions s’inscrivent, le plus souvent, dans le cadre de partenariats, conclus avec notamment l’ADEME, la Région Bourgogne-Franche-Comté ou les agences de l’eau.
Notre message aux entreprises est identique au scenario porté par l’association négaWatt : sobriété, efficacité et énergies renouvelables. On invite toujours en premier lieu les entreprises à réduire leurs coûts, avant de mettre en place des processus plus efficaces de gestion de leurs ressources – moins énergivores ou consommatrices en eau – pour ensuite investir dans de nouveaux équipements utilisant des énergies renouvelables. Rappelons-le, la sobriété et l’efficacité énergétique contribuent directement à diminuer les émissions de gaz à effet de serre et participent donc, de fait, à la décarbonation de l’économie.
Le parcours décarbonation que lance cette année le réseau des CCI prolonge donc vos actions régionales…
L’énergie représente 60 % de nos accompagnements bien avant les déchets, l’économie circulaire et la mobilité. Nous les réalisons dans le cadre du Programme Environnemental Régional Fédérateur – PERF – soutenu par l’ADEME et le Conseil régional. Ces mêmes partenaires ont créé le réseau RT2E auquel participent les CCI de la région aux côtés des Chambres des métiers et de l’artisanat et des agences de développement économique. Ce réseau assez unique permet de mobiliser des experts de proximité dont nos conseillers pour apporter des solutions aux entreprises dans leur transition écologique et économique.
L’opération nationale « Parcours décarbonation » prolonge donc notre action et complète notre offre. Nous n’avions pas d’outil pour mesurer le bilan des émissions de CO₂ des entreprises. Le diagnostic LISE® développé par les CCI, nous le permettra.
Concrètement, quelles prestations fournissez-vous aux entreprises pour faciliter la décarbonation de leurs activités ?
Nous proposons une gamme progressive de services, de la proposition la plus simple à la plus poussée, en mobilisant la meilleure ressource ou solution qu’elle soit régionale, nationale voire européenne.
L’état des lieux de la gestion de l’énergie dans les entreprises peut être réalisé par les conseillers des CCI dans le cadre de visites énergie dans des commerces ou dans des entreprises industrielles. À l’issue d’une visite d’une demi-journée pour identifier les équipements les plus consommateurs d’énergie, la CCI analyse les factures énergétiques du site et remet une liste d’actions simples et peu coûteuses pour réaliser des économies.
Pour des situations plus complexes, nous faisons réaliser des diagnostics énergie par des cabinets conseils. En deux ans, 75 diagnostics d’une durée de 10 jours, en moyenne, ont été réalisés dans des sites industriels par des énergéticiens dont le coût d’intervention était pris en charge à hauteur de 60 % par l’ADEME. Et le résultat est là : 3 000 tonnes d’équivalents CO₂ ont été économisées chaque année et 2 millions d’euros d’économies réalisés sur leurs dépenses énergétiques par an.
« Il devrait y avoir un effet d’entraînement à la décarbonation du fait des liens économiques entre les entreprises du territoire. »
Par ailleurs, aux entreprises les plus avancées, nous proposons le parcours « En route vers l’ISO 50 001 ». 50 entreprises ont été accompagnées par la CCI et l’Afnor sous la forme de formations-actions de deux jours, complétées par quatre jours d’ateliers collectifs, en vue d’obtenir, si elles le souhaitent, cette norme qui certifie un management efficace de l’énergie. Les participants sont des entreprises qui anticipent la Directive européenne « efficacité énergétique » adoptée en 2023 et dont l’application devrait s’imposer dans les prochaines années. Cela concerne notamment des sites industriels appartenant à des groupes visant la neutralité carbone d’ici 2030. Il y a aussi le cas des entreprises qui entendent, dès maintenant, répondre aux attentes de leurs clients donneurs d’ordre, notamment dans les secteurs automobile et aéronautique très représentés dans notre région. Il devrait y avoir un effet d’entraînement à la décarbonation du fait des liens économiques entre les entreprises du territoire.
Pour l’opération nationale « parcours décarbonation », nous allons, dans un premier temps, sensibiliser via des conférences, des ateliers et des webinaires les entreprises aux enjeux et solutions pour baisser leurs émissions de carbone. Mais nous allons aussi poursuivre nos audits énergie en entreprise, complétés par l’évaluation de leurs émissions de carbone grâce au diagnostic LISE® du réseau des CCI.
« Quand on parle au porte-monnaie, on parle à tout le monde ! »
Le message de la décarbonation nous le portons déjà. À chaque fois que nous accompagnons des industriels, nous les invitons à s’interroger sur leur dépendance aux énergies fossiles. Autrement dit, nous cherchons à acculturer les entreprises à la décarbonation. Un message pour toutes les entreprises : celles qui débutent comme celles qui ont un coup d’avance et qui veulent continuer à progresser. Je pense là, tout particulièrement, aux 40 industriels membres du club « ISO 50 001 » que nous animons depuis 10 ans.
Quels sont les leviers que vous utilisez pour acculturer les entreprises à une énergie moins carbonée et embarquer le plus grand nombre ?
Le terme de décarbonation ne parlant pas nécessairement à tous – notamment les plus petites structures ne relevant pas de l’industrie – on met en premier lieu l’accent sur les économies grâce à plus de sobriété et d’efficacité dans la gestion de leur énergie. Quand on parle au porte-monnaie, on parle à tout le monde ! Et puis la crise énergétique déclenchée par la Guerre en Ukraine a aussi alerté les entreprises sur ses conséquences en termes d’approvisionnement et de coût de l’énergie. Chemin faisant, on aborde avec les chefs d’entreprise les évolutions de leurs pratiques. On évoque par exemple leurs modes de déplacement en promouvant des modes de mobilité plus douces, et donc moins émetteurs de CO₂. Il nous faut, à chaque fois, trouver la clé qui va déclencher l’action et donc le changement de comportement.
Les aides et sources de financement sont-elles des déclencheurs d’engagement ?
Très clairement, quand une entreprise nous contacte avec un projet d’investissement, elle a en tête la question de son financement. Et elles n’ont pas tort car la mobilisation des aides doit se faire très en amont. Malheureusement, les plus petites structures déposant des projets au budget relativement modeste, n’ont pas accès aux financements publics réservés aux plus gros industriels ayant des niveaux de dépenses et de ressources importants, comme « Decarb-IND » ou certains Certificats d’Economies d’Energie notamment. Nous les dirigeons donc sur d’autres dispositifs régionaux quand c’est possible. Rappelons que les CCI peuvent s’occuper également de la gestion administrative des demandes de financement pour le compte des entreprises. C’est un concours apprécié !
Et que proposez-vous aux entreprises intéressées par des énergies non fossiles ?
Depuis juin 2023, l’ADEME nous a confié la mission de mener des études pour l’implantation de solutions d’énergies renouvelables dans les entreprises de la région. Un poste est dédié pour la réalisation d’études d’opportunité en vue de l’installation de panneaux photovoltaïques sur des sites industriels majoritairement, ou parfois des bâtiments de la grande distribution. Et si cette étape est concluante, la conseillère réalise ensuite des études de faisabilité avec le concours de bureaux d’études. Cela clarifie les choses pour les entreprises tentées par l’idée d’autoconsommer leur énergie. Est-ce techniquement possible ? À quel coût ? Et avec quel retour sur investissement ? La loi APER qui oblige à l’installation de ces panneaux pour certaines entreprises¹ contribue très nettement à ces demandes. À ce jour, 41 entreprises nous ont sollicités et 25 études d’opportunité ont été réalisées.
¹ La loi APER du 10 mars 2023 impose aux propriétaires de certains bâtiments de + de 500 m2, notamment à usage tertiaire, ou de parkings de + de 1500 m2 d’installer une surface minimum de panneaux photovoltaïques.