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Librairies indépendantes : baisser le rideau mais pas les bras
Pour faire face à la pandémie de Covid-19 et à la concurrence des géants de la distribution de livres, le réseau des « Libraires en Seine » a un atout en poche : un kiosque numérique et des liseuses pour lire les ouvrages. Patrice Vannier, gérant de la librairie Les Beaux Titres et membre de l’association, présente l’offre de ces libraires indépendants en temps de crise.
Patrice Vannier, gérant de la librairie Les Beaux Titres , aurait préféré faire l’actualité dans un autre contexte. Mais la pandémie de coronavirus a donné un coup de projecteur sur une initiative tout à fait appropriée du réseau « Libraires en Seine » qui réunit 14 boutiques installées dans les Hauts-de-Seine, Paris et les Yvelines, dont celle de Patrice Vannier située à Levallois-Perret (1). Il s’agit d’un kiosque numérique, ouvert en 2015, permettant, depuis le site de l'association ou celui de chacun des librairies adhérentes, de télécharger des livres en ligne et de pouvoir ainsi continuer de lire en toute sécurité, pendant le confinement et la fermeture des librairies. Car, comme tous les commerces considérés comme « n’étant pas de première nécessité », la librairie de Patrice Vannier est fermée pour cause de crise sanitaire. S’il a mis en place la livraison à domicile des ouvrages commandés en ligne (réservée aux Levalloisiens), il offre surtout, comme tous les libraires du réseau, la possibilité, pour tous, de profiter des livres numériques et des conseils de lecture laissés sur le site par les professionnels. Un peu comme si le lecteur pouvait continuer à circuler comme avant dans les rayons de cette boutique virtuelle.

Une nouvelle vitrine, un nouvel espace de vente
Pour cela, ces libraires indépendants sont allés jusqu’à concurrencer les géants de la vente en ligne comme Amazon ou la Fnac sur leur terrain en développant leur propre liseuse. Et contrairement à celles de ces grandes places de marché, leur liseuse n’est pas techniquement « verrouillée ». Elle est compatible avec tous les sites de vente en ligne. Les lecteurs restent donc libres d’acheter leurs livres où ils veulent, en conscience… Tout comme le livre de poche n’a pas tué le livre grand format, le livre numérique ne tuera pas le livre papier. Ce crédo, Patrice Vannier le partage avec ses confrères. Il ne fait aucun doute : il faut jouer sur la complémentarité des différents supports. « Le numérique ne doit pas être négligé si l’on veut suivre les attentes de la clientèle et développer son activité. » Une certitude qu’il a mise en pratique très tôt. Dès l’ouverture de sa librairie en 2008, il a décidé de créer le site internet de sa boutique, considéré, non seulement, comme une vitrine supplémentaire mais comme un nouvel espace de vente. Il y vend du livre papier en commande et du livre numérique. « Il faut être présent sur ce marché du numérique même s’il ne représente qu’une partie encore très marginale de notre chiffre d’affaires.» Avec une stratégie qui peut se résumer ainsi : la complémentarité entre les formats en temps normal et la subsidiarité dans les circonstances exceptionnelles. L’actualité, qui a frappé de plein fouet et secoue encore l’activité de son commerce de centre-ville, lui a donné raison. « Nous avons connu les manifestations des gilets jaunes, la contestation contre la réforme des retraites et maintenant ce virus qui nous vampirise, tout cela favorise les achats sur internet. » Son commerce a d’ailleurs enregistré une hausse sensible des ventes en ligne depuis le début du confinement.
Leur vendeur préféré
Mais une librairie indépendante, même en réseau, peut-elle lutter contre les géants de la distribution qui captent massivement les achats en ligne grâce à leur puissance de communication ? « En temps normal », les indépendants arrivent à cohabiter avec ces grandes enseignes, protégés par la loi Lang qui garantit un prix unique du livre. Mais pendant cette pandémie de Covid-19, les « petits libraires de quartier » souffrent fortement de l’arrêt des ventes en magasin. Selon les chiffres fournis par l'institut GfK, les libraires ont accusé, au mois de mars 2020, une baisse de 52 % de baisse de leur chiffre d’affaires. Alors que, pendant le même temps, les ventes en ligne se sont multipliées.
Les libraires essaient, tant bien que mal, de tenir le coup en attendant avec impatience la réouverture de leur commerce et le retour de leurs clients en toute sécurité. Des clients qui retrouveront, à coup sûr, le chemin de leur boutique de quartier quand la crise sanitaire sera passée, pressés de renouer ce lien avec leur libraire et ses bons conseils de lecture. Le gérant des Beaux Titres se rassure : « tout le monde n’est pas adepte d’Amazon qui, de toute façon, ne pourra jamais fournir les conseils que l’on donne ». Et le libraire de confier : « vous savez, parmi les sept libraires qui travaillent à temps plein ici, nos fidèles acheteurs ont souvent leur vendeur préféré avec lesquels ils partagent les mêmes goûts et des envies de découverte... Certains s’arrangent, même, pour passer à la boutique les jours où ils sont sûrs de trouver leur conseil favori ! » Une relation qui dépasse l’aspect purement commercial, comme le raconte Patrice Vannier. « La littérature ouvre pas mal de portes… y compris celle du bistrot d’à-côté où nous allions, de temps à autre, avec des clients pour continuer la conversation autour d’un café. » Pour les « beaux-titres » il est urgent de retrouver ces petits « paradis perdus »…