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Reprise de l’imprimerie Léonce Deprez : une entreprise centenaire relancée
Accompagnée depuis de nombreuses années en matière de production et de ressources humaines, l’imprimerie Léonce Deprez a eu, de nouveau, recours aux services de la CCI Artois quand elle a traversé une période très difficile. Après avoir été placée en redressement puis en liquidation judiciaire, l’entreprise a pu être reprise par le fils du dirigeant avec l’aide de la CCI. Retour en images et avec le témoignage de Djibril Diaw, conseiller en financement de la CCI, sur la relance de cette entreprise centenaire.
Djibril Diaw : « L’objectif de la CCI a été de renforcer la crédibilité financière de l’offre de reprise »
L’imprimerie Léonce Deprez (ILD), entreprise familiale emblématique du territoire fondée il y a près d’un siècle, Djibril Diaw, la connait bien. Le conseiller en financement de la CCI Artois avait déjà accompagné Léonce Michel Deprez, le dirigeant de l’entreprise pour tenter de la remettre à flot. Il a aidé ensuite son fils à obtenir les financements permettant la reprise de l’imprimerie après sa liquidation judiciaire.
Dans quelle situation se trouvait l’entreprise quand son dirigeant Léonce Antoine Deprez a fait appel à vous ?
Dès 2014, l’entreprise, alors dirigée par le père du PDG actuel, était confrontée à une double baisse, celle des volumes d’impression, due à la digitalisation de la presse, et celle des prix. Ceux-ci ont chuté de 35 % en dix ans ! Cette digitalisation a également affecté les donneurs d’ordre qui transmettent, de plus en plus, leurs commandes par voie numérique aux imprimeurs.
Après des années de croissance et afin de répondre à la demande de ses clients, l’imprimerie avait investi, en 2006, 12 millions d’euros dans le site d’Arras et dans une rotative « 32 pages » mais qui s’est avérée, avec le temps, être peu adaptée aux évolutions d’un marché très tendu. En 2011, la stratégie de vouloir « faire du volume » a donc poussé l’entreprise à investir dans une autre machine pour imprimer des formats de 48 pages. Malheureusement, l’impression de prospectus pour la grande distribution ou de magazines pour les grands groupes de presse n’a, finalement, dégagé que de très faibles marges…
L’entreprise a dû faire face à un million d’euros d’impayés et a accusé un million d’euros de pertes d’exploitation.
Pour rationaliser sa production, l’entreprise a aussi décidé de regrouper ses établissements. Mais le transfert de l’activité de façonnage effectuée sur le site de Ruitz, près de Béthune, à l’imprimerie d’Arras, a été trop tardif et trop coûteux socialement. En 2015, la société était financièrement en mauvaise posture : elle a dû faire face à un million d’euros d’impayés et a accusé un million d’euros de pertes d’exploitation. C’est à cette époque que la CCI Artois est intervenue auprès de l’imprimerie pour trouver des solutions à ses difficultés financières. La direction a mis en place des plans de réduction de ses coûts en réorganisant le « back office » et en réduisant, de moitié, la taille de l’entreprise. Mais cela n’a pas suffi. La messe était dite ! L’entreprise était déjà en trop grande difficulté alors que le marché continuait de s’écrouler.
En juin 2019, suite aux coûts de la restructuration et à la baisse continue des volumes et des prix, la société s’est retrouvée en cessation de paiement et a été placée en redressement judiciaire. Le plan de restructuration continuait mais la crise sanitaire de 2020 a ensuite fait chuter de 70 % l’activité d’ILD entraînant sa liquidation judiciaire face à l’impossibilité, pour elle, de rembourser les dettes contractées. Cette situation a été difficile à vivre au sein de la famille, tant pour le père qui a tout fait pour sauver l’entreprise, que pour le fils qui devait assumer la liquidation judiciaire.
Quel a été votre rôle auprès de l’imprimerie en tant que conseiller en financement ?
Lors de notre première sollicitation en 2015 pour remédier aux problèmes de trésorerie de l’entreprise, nous avons utilisé nos outils d’analyse financière pour faire des évaluations et des prévisionnels d’activité afin de livrer un plan d’action. Grâce à l’outil SOLUCCIO « parcours relance 360° », nous avons pu diagnostiquer précisément les sources de ces problèmes. Nous ne nous sommes pas contentés d’éplucher les liasses fiscales ! Comme le font tous les consultants, nous avons passé en revue le fonctionnement de l’entreprise pour connaître l’origine, parfois cachée, de ces problèmes, qu’ils soient internes ou externes à la société. Cette approche globale de l’entreprise est essentielle tant pour la détection des causes que pour l’analyse des conséquences de la gestion financière de l’entreprise.
Le repreneur comme la CCI avaient pour objectif commun de maintenir le plus d’emplois possibles sur le site
En 2020, nous avons accompagné le fils du dirigeant dans sa démarche de reprise de l’entreprise familiale et, spécifiquement, dans le montage du dossier et dans la recherche de financements. Ces ressources financières devaient répondre au besoin en fonds de roulement de la société pour lui permettre de faire face à toutes les dépenses liées à son redémarrage, comme les commandes aux fournisseurs ou les salaires des employés. Dans ce projet de reprise, le repreneur comme la CCI avaient pour objectif commun de maintenir le plus d’emplois possibles sur le site. Ce point était, bien sûr, crucial aux yeux du tribunal.
Justement comment s’est déroulée la reprise de l’entreprise ?
Le projet de reprise a été considéré comme fiable et sérieux par le tribunal qui a jugé positivement la nouvelle stratégie de développement de l’entreprise. L’imprimerie s’est repositionnée sur la presse de qualité, en phase avec l’évolution du marché. Elle a aussi adopté une nouvelle organisation de la production sur un seul site de production. Le tribunal exigeait des garanties financières sérieuses car il devait trancher entre le projet de Léonce Antoine Deprez et un projet concurrent. Pour l’emporter, il fallait lever le point de blocage de l’apport personnel en fonds propres et en avances remboursables du repreneur et de son pool d’associés. Ce pool était composé principalement du groupe d’impression Sprint qui a pris une participation à hauteur de 30% du capital, et de quelques clients importants. Il est à noter que cette entrée au capital de la holding Sprint avait aussi une cohérence stratégique en raison de la complémentarité des prestations des différents imprimeurs et de la force commerciale du groupe qui bénéficie à l’imprimerie artésienne.
Une grande satisfaction pour le fils du dirigeant de pouvoir poursuivre ainsi l’histoire centenaire de la famille
L’objectif de la CCI a été de renforcer la crédibilité financière de l’offre de reprise. Pour ce faire, la CCI a mobilisé son fonds d’investissement « Artois Investissement » créé avec le Groupe Caisse d’Épargne, apportant ainsi 100 000 euros en fonds propres au projet. Nous avons aussi réussi à faire obtenir, sous la forme d’avances remboursables, 250 000 euros supplémentaires au repreneur grâce au dispositif « Hauts-de-France prévention » co-géré par le Conseil régional et la CCI Hauts-de-France. Ces apports ont eu un effet de levier auprès des banques. En février 2021, le repreneur a ainsi pu relancer son activité. Ce n’était pas gagné d’avance, mais il y avait une place sur le marché. Cela a représenté une grande satisfaction pour le fils du dirigeant de pouvoir poursuivre ainsi l’histoire centenaire de la famille.
La reprise a eu lieu en pleine période de Covid-19. Cela a-t-il rendu la démarche encore plus complexe ?
Oui et non. Il était effectivement très difficile de « vendre » un projet d’imprimerie du futur alors que le monde était déjà digitalisé. Mais, inversement, le repreneur a pu bénéficier, in extremis en décembre 2020, de l’ordonnance du 20 mai 2020 qui facilitait la reprise d’une entreprise en difficulté contre maintien de l’emploi. De fait, le Code du commerce interdisait la cession de tout ou partie des actifs d’une société en difficulté, à son dirigeant, à son fils ou à un actionnaire d’une entreprise sauf autorisation du procureur de la République. Léonce Antoine Deprez cumulait à lui seul les trois caractéristiques ! Heureusement, cette ordonnance de 2020 lui a permis de reprendre l’entreprise par une simple saisine auprès du tribunal de commerce. In fine, l’opération s’est bien déroulée et l’entreprise a pu repartir sur de bonnes bases. En 2019, avant le dépôt de bilan, la société employait 123 salariés et réalisait un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros. En 2021, reprise et relancée, l’imprimerie compte maintenant 60 personnes et un chiffre d’affaires de 16 millions d’euros.
Chiffre clé : 10 000 entreprises
En 18 mois, la CCI Hauts-de-France a accompagné près de 10 000 entreprises. En matière de financement, ce sont 1751 entreprises qui ont été conseillées par la CCI. Ces accompagnements durent, à minima, une demi-journée.