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« Vélo : une filière complète de formation »
Les premières sessions de formation de l'Académie des métiers du vélo, créée par le Gouvernement, se mettent en place en juillet 2020. L'occasion de présenter l'activité réparation cycles du CFA CCI Sud Formation qui, depuis plus de quinze ans, forme de techniciens pour les métiers de la vente et de la réparation et participe à cette démarche gouvernementale. Interview de Françoise MARTINET, responsable de programme au sein de la filière auto, moto et vélo du CFA d'Occitanie CCI Sud Formation
Pourquoi et comment a été créée l'activité réparation cycles de votre CFA ?
La création de nos formations dédiées aux cycles est née d'un constat. Le CAP cycle et motocycle de l'Éducation nationale, trop généraliste, ne satisfaisait ni les apprentis, ni les employeurs. L'Éducation nationale a continué de former à la mécanique moto mais plus à la réparation vélo en raison d'un nombre d'apprentis jugé trop faible. La branche professionnelle a donc repris l'activité vélo en créant il y a une quinzaine d'années le Certificat de Qualification Professionnelle (CQP) cycles.
Quand, il y a huit ans, j’ai pris en charge la direction du programme la filière auto, moto et vélo au sein du CFA Marguerittes qui est l’un des 16 établissements du CFA Régional CCI Sud Formation (1), l’atelier cycle ne fonctionnait plus. J’ai découvert en allant rencontrer les responsables des magasins de vente et de réparation de cycles que le contrat de professionnalisation proposé par le CFA était jugé insuffisamment attractif financièrement. Dès lors, les professionnels se débrouillaient par eux-mêmes pour former leurs collaborateurs.
Mais en les écoutant, ils exprimaient aussi et fortement un besoin de compétences plus pointues pour maîtriser les nouvelles technologies inhérentes au vélo à assistance électrique comme, par exemple, les freins hydrauliques ou les changements de vitesse électriques. L’ouverture de sessions en apprentissage a changé la donne en raison, d’une part, des aides associées à ce type de formation et, d’autre part, d’une évolution de notre offre pédagogique. Cela a reboosté l’activité du CFA. Cette ouverture de formation en apprentissage au CQP Conseiller Technicien Cycle (CTC) dans notre centre était une première en France.
À quels métiers préparez-vous ?
Nous proposons deux niveaux de formation. Le titre professionnel CTC est une formation initiale, de niveau Bac, d'une durée d'un an, qui permet aux apprentis de maîtriser tous les aspects du commerce et de la réparation de cycles en vue notamment d'exercer dans des magasins spécialisés. À l'issue de la formation, les apprentis peuvent réparer tous types de vélos, sont en capacité de les personnaliser, de conseiller sur la posture du cycliste, de savoir vendre des vélos et des accessoires, et ils ont acquis les connaissances pour gérer un magasin de détail. Cela va même jusqu'aux conseils en diététique. Cette année, nous avons formé un groupe de 14 jeunes provenant de tout le sud de la France. Ils ont tous été diplômés et embauchés à l'issue de la formation. Notre taux d'insertion pour le titre CTC est en moyenne, chaque année, de 90%.
Le titre de mécanicien cycles permet, quant à lui, d'apprendre à réparer tout modèle de cycles. Il se décline en deux modes. La première formation de trois mois est dédiée aux demandeurs d'emploi en reconversion. Nous formons deux groupes par an, soit 28 personnes, avec un taux de réussite aux examens de 90%. Le taux d'insertion, un peu plus faible, autour de 60 % à 70%, s'explique par les contraintes personnelles des diplômés, notamment de mobilité pour se rendre au travail. La seconde formation que nous venons de créer s'adresse à des jeunes sortis du collège. C'est un contrat d'apprentissage de 400 heures. Au terme de cette formation, les diplômés pourront ensuite enchaîner, s'ils le souhaitent, par le titre de conseiller technicien cycle pour acquérir les autres dimensions du métier de réparateur et de vendeur. C'est donc une filière complète de formation que nous proposons.
PAS DE CONCURRENCE MAIS UNE COMPLÉMENTARITÉ
Comment expliquez-vous ces taux d'insertion globalement élevés ?
Ces résultats s’expliquent, notamment, par la sélection des candidats à l’entrée en formation. Nous vérifions que nos candidats disposent bien des prérequis de base. Ils doivent être passionnés de vélo et être des pratiquants réguliers quel que soit le type de cycle : du vélo de route, du VTT ou vélo de descente qu’on appelle aussi le DH. Cela signifie donc qu’ils aiment réparer les vélos, qu’ils ont les connaissances de base mais pas toujours les bons gestes et, quasiment, aucune maîtrise de la technologie des vélos électriques.
Pour notre formation de conseiller technicien cycle, nous privilégions des candidats majeurs car l’objectif de notre formation professionnalisante, c’est de les insérer directement à l’issue de la formation étant donné qu’il n’y a pas, dans la branche, de parcours pédagogique d’un niveau supérieur. Ils doivent aussi avoir une maturité suffisante pour être en capacité de conseiller à l’achat la clientèle avertie des magasins spécialisés. Et, puisqu’à terme ils seront amenés à gérer leur propre magasin, ils doivent, bien évidemment, maîtriser les savoirs de base en français et en maths.
Quels parcours suivent-ils majoritairement une fois leur diplôme en poche ?
La mission première de notre CFA est de pouvoir proposer aux magasins de cycles des collaborateurs bien formés. On constate donc, logiquement, que nos diplômés de la formation « CTC » cherchent majoritairement à acquérir de l’expérience chez un détaillant avant de créer leur propre activité. Certains cependant franchissent le pas directement et s’installent en micro-entrepreneur, parfois itinérant, pour réparer des vélos au domicile des particuliers. Mais il faut aussi souligner que nous plaçons également nos jeunes diplômés dans les grandes surfaces multisports qui ont des ateliers de réparation de cycles. Il s’agit de réparations de base pour lesquelles notre formation de mécanicien cycles convient amplement. Nous avons aussi des diplômés qui s’orientent vers la grande distribution multisports pour devenir à terme chefs de rayon cycles.
Le vélo est apparu, notamment pour des raisons sanitaires, comme une solution de mobilité à privilégier.
Quelle est l'implication de votre CFA dans l'Académie des métiers du vélo ?
Pour préparer la reprise, des échanges ont eu lieu entre les partenaires de la filière du cycle, l’INCM (institut national du cycle et du motocycle), l'Opco mobilités et l'ANFA (association nationale pour la formation automobile) et les pouvoirs publics. Le vélo est apparu, notamment pour des raisons sanitaires, comme une solution de mobilité à privilégier.
Mais la question s'est posée, bien évidemment, des compétences mobilisables dans les magasins de vente et de réparation de cycles. Ces commerces ont été assaillis de demandes dès la sortie de confinement et, plus encore, à la suite de l'annonce gouvernementale de la prime de 50 euros pour la révision des vélos.
D'où l'idée de former plus massivement et en 20 jours, des personnes capables d'effectuer des réparations basiques permettant de remettre en service un vélo oublié dans la cave. C'est la vocation de l'Académie des métiers du vélo qui devrait former cette année 250 réparateurs, avant de doubler ce nombre l'an prochain en s'appuyant sur les organismes de formation de la filière dans les territoires. Notre CFA y participera en ouvrant une première session en septembre, avec l'espoir qu'elle permette aux stagiaires de se découvrir un intérêt pour la mécanique et de vouloir progresser techniquement en poursuivant leur apprentissage avec notre formation de mécanicien cycle. Et pourquoi pas, ensuite, d'enchaîner avec le cursus de conseiller technicien vente. Nous espérons que l'Académie des métiers du vélo pourra faire naître des vocations. Il n'y a donc pas de concurrence mais une complémentarité entre l'offre de 20 jours de l'Académie des métiers du vélo et celle des centres de formation de la profession qui dure trois mois.
NE PAS INONDER LE MARCHÉ DE L'OFFRE DE FORMATION
Le vélo est à la mode depuis des années et est de plus en plus populaire. L'offre de formation doit-elle se multiplier pour accompagner ce développement ?
C'est vrai que le vélo prend de plus en plus d'ampleur et se diversifie dans les gammes proposées, les usages et les services associés comme les vélos en libre-service. La clientèle est au rendez-vous, pour ses besoins de déplacements quotidiens ou ponctuels lors des vacances. Et sans compter le succès du vélo à assistance électrique qui a été déterminant pour le boom de la filière. J'espère que cette tendance sera durable. Pour l'heure, je vois encore une grande différence entre l'usage du vélo urbain qui compte de plus en plus d'adeptes, surtout dans les grandes villes, et un recours plus modéré à la bicyclette dans des zones moins densifiées. Autrement dit, l'engouement du vélo n'est pas égal dans tous les territoires. Par ailleurs, la clientèle principale de notre CFA, ce sont les magasins spécialisés qui ont majoritairement moins de cinq salariés et donc des besoins en recrutement limités. Il faut donc faire attention à ne pas inonder le marché de l'offre de formation. Dès lors, je serais prudente quant au développement de notre activité de formateur car nous restons sur un marché de niche.
Nos formations doivent être en prise directe avec les innovations technologiques pour ce qui concerne, notamment, les nouveaux modes de propulsion comme l'électrique ou l'hydrogène.
Votre CFA a été désigné comme CFA pilote par l'ANFA. Que signifie cette appellation ?
C'est une reconnaissance de la qualité du travail de notre CFA dans l'accompagnement des jeunes et des entreprises. Grâce à cette reconnaissance, l'ANFA nous aide à expérimenter de nouvelles méthodes pédagogiques et de nouveaux cycles de formation.
Nous avons ainsi assuré tous nos cours en visio conférence pendant le confinement et la fermeture de notre centre. Nous formons aussi régulièrement nos formateurs à l’innovation pédagogique en expérimentant, par exemple, la pédagogie inversée. Les apprenants peuvent ainsi découvrir par eux-mêmes, et à leur propre rythme, les enseignements.
Être reconnus comme CFA pilote nous a aussi permis de travailler en réseau avec les autres CFA pour faire notamment évoluer le référentiel du métier. Nous soignons la qualité de l’accueil des jeunes en entreprise grâce au recours au certificat de compétences en entreprise (CCE) tuteur en entreprise des CCI avec lesquelles nous travaillons, également, pour l’accompagnement des projets professionnels de nos diplômés. C’est une vraie chance de pouvoir compter sur le réseau.
Nos formations doivent être en prise directe avec les innovations technologiques pour ce qui concerne, notamment, les nouveaux modes de propulsion comme l’électrique ou l’hydrogène. Et, bien évidemment, nous devons suivre les nouveaux usages et faire travailler nos apprenants sur les vélos prisés du moment, de l’électrique au pliant. Les magasins ne s’y trompent pas qui comptent sur la maîtrise par nos jeunes de ces nouvelles technologies. C’est un vrai plus que nous apportons à nos entreprises clientes.
(1) Créé en 2013, le CFA régional CCI Sud Formation regroupe depuis le 1er janvier 2018 les compétences et l'offre de formation de 16 établissements des CCI d'Occitanie. Le CFA régional prépare à 100 diplômes du CAP au BAC+5 dans 12 filières métiers dont l'automobile et la mécanique au CFA Marguerittes, situé près de Nîmes dans le Gard. En 2019, le CFA CCI Sud Formation a formé plus de 5 000 apprentis avec un taux de réussite aux examens de 87% et d'embauche à trois mois des diplômés de 85%.
Pour en savoir plus sur le CFA régional, à visionner la présentation de CCI Sud Formation par son directeur : témoignage de Dominique Crayssac
ZOOM : La France, l'autre pays du vélo
La France : 3ème marché européen (derrière les Pays-Bas et l'Allemagne)
2,7 millions de vélos neufs vendus chaque année en France dont 338 000 Vélos à Assistance Électrique (VAE) (+13% en 2018)
En cinq ans, les ventes de VAE ont été multipliées par dix.
Montée en gamme: le prix moyen des vélos (musculaires et VAE) vendus en 2019 est de 566 € (+15 % par rapport à 2018).
Le marché du cycle a franchi, en 2018, la barre des 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires (+ 10% sur un an).