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Une PME varoise planche sur une navette maritime à propulsion hydrogène
Pour réduire les émissions de CO2 de sa flotte, la compagnie maritime des Bateliers de la Côte d’Azur travaille sur une innovation avec la start-up Hyseas Energy : la création d’un moteur à hydrogène maritime. Yves Arnal, co-fondateur de la PME varoise, raconte l’engagement de son entreprise pour la transition écologique.
Pouvez-vous nous présenter les Bateliers de la Côte d’Azur ?
Mon frère Christophe et moi sommes issus d’une famille de batelier. En 1998, nous nous sommes associés et avons créé la compagnie maritime Bateliers de la Côte d’Azur, dans la rade de Toulon, pour faire du transport de passagers. D’un bateau au départ, nous sommes passés à six aujourd’hui. Nous employons une dizaine de salariés à l’année, et jusqu’à 35 au cœur de la saison.
Comment votre PME s’est-elle fait une place dans l’écosystème maritime varois ?
Les lignes que nous desservons existent de longue date donc notre force a été de moderniser notre outil de travail et nos équipements de façon, notamment, à anticiper l’évolution de la réglementation. Nous avons aussi été leader dans la numérisation de la commercialisation de nos services. Et puis, rapidement, nous nous sommes saisis des enjeux environnementaux.
Nous avons aussi été leader dans la numérisation de la commercialisation de nos services.
Quelles démarches avez-vous entrepris en la matière ?
Aujourd’hui, je pense que tous les chefs d’entreprise ou presque ont conscience des enjeux de la transition écologique. Mais faire le premier pas est compliqué, surtout lorsque l’on est une PME, car il existe peu de solutions. Nous avons donc commencé par les options qui étaient disponibles : nous avons mené une campagne de remotorisation de nos navires, afin de les équiper de moteurs issus des dernières technologies, qui sont nettement plus propres que les anciens. D’un autre côté, nous nous sommes intéressés à l’électrique mais l’exploitation nous a paru très compliquée et nous n’avions pas de solution pour la gestion des batteries en fin de vie.
Vous vous êtes finalement lancé le défi de l’hydrogène, pourquoi ?
En 2016, la CCI du Var nous a approché pour répondre à l’appel à projet HYNOVAR, une initiative commune d’HySeas Energy, de la CCI et d’ENGIE Cofely H2 France pour développer une navette maritime hydrogène de grande capacité, alimentée par une station d’avitaillement terrestre. Nous avons décidé de rejoindre le projet. C’est dans ce cadre que nous avons rencontré la start-up Hyseas Energy avec laquelle nous avons travaillé à la création d'un moteur à hydrogène maritime.
Ce projet va-t-il bientôt voir le jour ?
Oui, nous avons franchi beaucoup de barrières et nous entrons dans phase opérationnelle. Nous espérons mettre en route une vedette passager de 200 places à propulsion hydrogène en 2022. Pour cela, nous travaillons avec nos partenaires varois et avec l’Ademe, avec laquelle nous avons une convention pour la navette maritime et une autre pour la navette de la station d’avitaillement. Pour financer notre projet, nous avons obtenu une subvention de l’Ademe à hauteur de 39% du surcout de la navette maritime (ndlr. par rapport à une navette classique) et nous sommes encore en recherche active de subventions complémentaires.
Vous menez donc ce projet avec plusieurs acteurs ? Y a-t-il une émulation locale autour de ces problématiques ?
Oui et c’est vraiment un point positif. Quand nous nous sommes lancés, nous pensions qu’il allait être difficile de convaincre tout le monde mais, finalement, tous les acteurs avec lesquels nous avons discuté se sont montrés enthousiastes. Il y a une prise de conscience sur cette technologie de l’hydrogène. Ensuite, nous avons intégré un consortium de projets de navette hydrogène, à l’échelle internationale, pour échanger sur les différents aspects du projet. Nous avons également été très vite repérés par la société de classification qui nous a accompagnés pour créer une nouvelle norme, encore inexistante aujourd’hui.
Quel regard, l’homme et le chef d’entreprise que vous êtes, portent-ils sur ce projet ?
En tant qu’homme, j’éprouve une grande satisfaction quand je pense qu’une petite PME comme les Bateliers de la Côte d’Azur va laisser son nom dans l’histoire maritime, associé à un projet de transition écologique. En tant que chef d’entreprise, je pense que nous n’avions pas vraiment le choix : aujourd’hui, soit on attend que ça se passe avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, soit on prend le sujet à bras le corps. Nous avons opté pour la seconde option.
Pensez-vous que d’autres entreprises vont vous emboîter le pas ?
Bien sûr, si notre projet est correct à la fin – ce que je crois – beaucoup de nos confrères vont vouloir nous emboîter le pas. Il est vrai qu’à l’échelle d’une PME, une telle démarche peut apparaître comme une ascension de l’Everest, car cela nécessite beaucoup d’énergie et il faut être accompagné. Nous avons, par exemple, eu besoin des compétences d’un juriste pour obtenir des subventions. Quand je discute avec d’autres chefs d’entreprise, la majeure partie a envie de faire mieux, de rendre son entreprise plus vertueuse, mais c’est souvent compliqué, donc il faut leur simplifier la vie. Il faut que l’on fasse confiance à toutes nos PME car, dans chaque cœur de métier, il y a quelque chose à faire pour l’environnement.
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