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« Une démarche durable ne nécessite pas forcément de grosses dépenses et permet des retours sur investissements »
L’entreprise Toulet fabrique des billards et des jeux dans le Nord de la France, depuis plus de 100 ans. Accompagnée par la CCI Hauts-de-France, elle s’est intéressée à l’éco-production afin de réduire ses coûts. Son président, Marc-Alain Deledalle, raconte sa démarche, menée dans le cadre du dispositif REV3.
Quelles sont les caractéristiques de votre entreprise ?
Nous sommes un fabricant de billards, mais aussi de baby-foot et autres jeux de ping-pong ou de poker. L’entreprise a été créée en 1857 par Louis Toulet. Étant moi-même joueur de billard et issu d’une école de commerce, j’ai repris l’activité en 2008. À cette époque, le marché du billard était en difficulté et l’entreprise avait besoin de se repositionner, donc nous avons retravaillé toutes les collections, notamment avec des étudiants de l’Institut Supérieur du Design à Valenciennes. Aujourd’hui, au-delà du made in France, nous essayons d’avoir une démarche locale à l’échelle du département. Nous avons également obtenu le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV).
Comment avez-vous été amené à travailler avec la Chambre de commerce et d’industrie des Hauts-de-France ?
Ma rencontre avec la CCI, et plus particulièrement avec Michael Verdier, à l’époque chef de projet environnement à la CCI Grand Lille, est née d’une double problématique que j’avais : une grosse partie des billards est réalisée en bois, ce qui engendre beaucoup de poussière à la fabrication. Je ne savais pas quoi faire de cette poussière et son évacuation avait un coût important pour l’entreprise. En parallèle, nous chauffions au gaz les 5 000 m² de l’usine, ce qui représentait une autre charge importante. Un jour, la CCI est passée et m’a proposé une solution : transformer la poussière en briquettes et l’utiliser pour chauffer les locaux. Nous avons mené ce projet avec elle et via le dispositif rev3. En 18 mois, tout a été rentabilisé et nous avons fait des économies de chauffage et éliminé les coûts d’évacuation de la poussière. Cette expérience m’a donné envie d’aller plus loin dans toutes les démarches durables et d’écologie qui ne représentent pas forcément de grosses dépenses mais qui engendrent des retours sur investissements.
Vous avez donc amplifié votre démarche ?
Oui, à partir de ce moment, nous avons essayé d’avoir une réflexion globale en interne, à tous les niveaux et sur tous les postes. Nous avons apprécié le dynamisme de la CCI sur le sujet. Nous avons par exemple revu la rectification d’ardoise : il y a de l’ardoise au fond des billards et, lorsque nous la rectifiions pour lui donner la forme voulue, nous utilisions beaucoup d’eau. Avec Michael Verdier, nous sommes passé en circuit fermé pour réduire cette consommation d’eau, pour finalement arriver à une consommation zéro en faisant les rectifications à sec. L’idée est de chercher à faire les choses de manière intelligente, à chaque étape de la production, en évitant de trop consommer.
Nous nous sommes également lancés, avec nos collaborateurs et la CCI, dans la fabrication d’un billard et d’un baby-foot éco-conçus. Cela nous a permis d’avoir une réflexion de fond sur la sélection du bois, des colles, le traçage des produits comme le cuir, etc. L’objectif n’est pas, aujourd’hui, que l’intégralité de la production soit éco-conçue mais d’être dans une démarche d’amélioration continue.
Quels bénéfices tirez-vous de ces évolutions ?
Nous nous sommes rendu compte que de petites choses pouvaient facilement être mises en place et représenter rapidement une baisse des coûts. Au-delà de ça, j’ai également apprécié l’engagement de tous les collaborateurs dans ces démarches. Ce n’est pas toujours facile de motiver ses équipes mais, par exemple, lorsque j’ai inscrit l’entreprise au concours RSE du réseau Alliance, il y a quelques années, tout le monde s’est progressivement impliqué et était force de proposition. C’était passionnant ! Nos équipes en charge du conditionnement nous ont également fait remonter une problématique : ils constataient que des emballages très peu abîmés finissaient à la benne. Nous avons donc décidé de les réutiliser. Aujourd’hui, nos cartons servent, en moyenne, trois fois avant d’être jetés, ce qui nous permet de faire des économies.
Pensez-vous que ce type de démarche doit être menée dans toutes les entreprises ?
Oui, c’est indispensable aujourd’hui. Faire du Made in France et ne pas engager de démarche RSE ou de développement durable n’est pas cohérent. L’entreprise doit permettre de travailler sereinement et doit prendre en compte le bien-être et l’écologie, en incitant les collaborateurs à faire partie de cette dynamique.
Le mot de l’expert CCI
Michael Verdier est coordinateur Rev3 appui entreprise, à la CCI Hauts-de-France. Il accompagne les entreprises, comme Billard Toulet, dans le cadre du programme Rev3 de la Région.
« À l’époque où j’ai rencontré Marc-Alain Deledalle, le dirigeant de Toulet, la Région commençait à mettre en place la 3ème révolution industrielle pour prendre en compte des notions d’économie circulaire, d’économie de fonctionnalité, et aller au-delà de la simple gestion des flux de l’entreprise. Avec Billard Toulet, nous sommes partis d’une problématique de récupération et de valorisation des déchets (la poussière de bois) pour imaginer une source d’énergies renouvelables et ensuite impacter toute la stratégie de l’entreprise.
La société Toulet a été une des premières à bénéficier de la méthodologie éco-production du dispositif Rev3 dont la logique est de se servir l’optimisation des flux pour dimensionner la mise en œuvre des nouveaux modèles économiques (économie circulaire et d’éco-conception). Cela permet de montrer que l’environnement est aussi, pour les entreprises un moyen de se développer : Billard Toulet a par exemple créé un billard éco-conçu qui lui a permis de toucher un nouveau marché.
Dans ces démarches, la CCI joue le rôle d’un bureau d’études en éco-production. Cela a été le cas sur la problématique de la chaudière à bois de l’entreprise : nous avons étudié le problème, proposé des actions à mettre en place et calculé le retour sur investissement afin que l’entreprise ait un outil d’aide à la décision. Marc-Alain Deledalle est un chef d’entreprise qui est à l’écoute des propositions. L’accompagnement est vraiment co-construit avec lui et les équipes et c’est assez gratifiant de travailler avec un dirigeant comme ça. »