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Trois mousquetaires en pointe du combat pour la place des femmes en restauration
Elles sont trois, réunies au sein du collectif « les Maryses », créé en mai 2021 dans le Gers, pour valoriser les métiers de la restauration auprès des femmes et des jeunes filles et pour favoriser l’égalité hommes/femmes dans le secteur. Séverine Pailhes, cheffe d’un bistrot à vocation culturelle et pédagogique, Hema Lemberton, cheffe de cuisine dans un restaurant d’insertion, et Marie-Perle Manchado, pâtissière et consultante en restauration, livrent le sens de leur engagement personnel et leur ambition partagée pour leur collectif.
Pourquoi vous êtes-vous engagées dans le collectif « les Maryses » ?
Séverine Pailhès : « Mon engagement est né de discussions avec d’autres restauratrices pendant le confinement. Nous manifestions toutes le désir de travailler ensemble et de nous soutenir les unes les autres après cette période très compliquée, notamment pour les femmes à la tête de restaurants en milieu rural. Nous avions l’impression d’être devenues invisibles. Dès lors, nous avons décidé de nous unir localement par réseautage en créant ce collectif. Avec pour objectif d’affirmer la place des femmes dans les métiers de la restauration, un secteur en pleine crise, sans oublier de montrer que dans nos restaurants, cette place était préservée. La bienveillance de l’accueil des personnes qui viennent travailler nos établissements et la valorisation du rôle des femmes dans la restauration font d’ailleurs partie des engagements de la charte de fonctionnement du collectif. »
Hema Lemberton : « En travaillant dans le restaurant d’insertion de la Fabrique des Colibris je partage mes connaissances pour faire progresser ceux et celles qui veulent s’investir dans la restauration, en cuisine comme en salle. Ce sont majoritairement des femmes que nous accompagnons dans leur parcours d’insertion qui passe par l’emploi chez nous et se poursuit ensuite par la formation avec pour objectif de s’insérer ensuite durablement dans un secteur où le chômage n’existe pas. Mon implication dans le collectif les Maryses s’inscrit dans la continuité de mon activité professionnelle : faire connaître et reconnaître l’implication des femmes dans le secteur. Autrement dit, les rendre visibles au-delà des quelques cheffes célèbres de la profession. Et pour y parvenir, je souhaite faire évoluer les mentalités.
Marie-Perle Manchado : « Être une Maryse était une évidence pour moi. Pour d’abord partager avec d’autres femmes de la profession. Pour ensuite sensibiliser à nos métiers les jeunes filles dans les établissements scolaires et, pourquoi pas, faire naître des vocations. Et enfin, favoriser une réelle mixité dans les restaurants. »
Dans quel(s) domaine(s) souhaitez-vous personnellement vous investir au sein du collectif ?
SP : « Il y a des sujets très concrets comme la garde des enfants qui incombe encore largement aux femmes et qui, dès lors, les éloigne de la restauration, voire les dissuade de s’engager dans la profession. Pour y remédier, nous expérimentons avec la préfecture du département, des solutions comme l’ouverture de places de crèche en horaire atypique.
Mais une représentation plus forte des femmes dans les entreprises du secteur passe aussi par des changements dans l’organisation des temps de travail et l’amélioration des conditions d’exercice de nos métiers. Il y aussi des problèmes particulièrement sensibles dans le milieu rural à régler collectivement comme la question du transport et du logement des jeunes, apprentis ou stagiaires, qui souhaitent travailler dans nos restaurants.
Le rôle de notre collectif est aussi de faire connaître la richesse et la diversité des parcours de femmes dans la restauration. Les témoignages d’éleveuses, de restauratrices à la ferme ou de consultantes en restauration peuvent être inspirantes pour celles qui veulent travailler un territoire rural. »
Dans le secteur, on ne craint pas le chômage… Les jeunes filles ne doivent pas se mettre des barrières en tête !
Hema Lemberton
HL : « Je partage la motivation de Séverine. L’une des urgences de notre collectif est de travailler sur les solutions de garde d’enfants, que ce soit en crèche ou via un réseau de nounous, pour ne pas restreindre l’activité professionnelle des mères dans la restauration. Je pense aussi que la solution est aussi à chercher au sein des couples pour éviter que la femme ne soit contrainte de renoncer à son travail ou limitée dans sa progression professionnelle à cause de l’obligation, pour elle, de garder ses enfants en bas-âge.
Je veux aussi porter un message d’encouragement à l’attention de jeunes filles en les rassurant : même avec un niveau de qualification modeste, il est possible de grimper les échelons dans la restauration. De plus, dans le secteur, on ne craint pas le chômage… Les jeunes filles ne doivent pas se mettre des barrières en tête ! »
MPM : « Je voudrais y défendre l’importance de la mixité dans les équipes d’un restaurant. Pour avoir employé des jeunes femmes dans mon restaurant, je les trouvais à chaque fois bien organisées et rigoureuses. La minutie et le sens de l’esthétique dont elles font preuve en pâtisserie sont de vrais atouts dont les restaurants ne devraient pas se priver. C’est un message à faire passer aux employeurs mais aussi un encouragement pour les jeunes filles à se lancer dans la restauration. »
Quel regard portez-vous sur l’action de votre collectif ?
SP : « Nous voulons démontrer par l’exemple et avancer pas à pas pour changer les choses. Cela passe d’abord et avant tout par la sensibilisation aux problèmes qui limitent la place des femmes dans la restauration. Même si la nouvelle génération a un regard sur l’égalité hommes/femmes encourageant, il y a encore des représentations à déconstruire dans le secteur et ce, dès maintenant ! »
HL : « Pour moi, les Maryses c’est un lieu d’échanges et de conseils qui s’appuie sur la diversité et la richesse des parcours de ses membres. »
MPM : « Le collectif porte bien son nom. Il permet de mélanger des origines et des talents divers mais aussi des valeurs communes : solidarité, partage, écologie… Le tout permettant de revendiquer la fierté des femmes de faire ce métier avec l’espoir de susciter des vocations. »
Les trois mousquetaires

Séverine Pailhes
Cheffe du Bouche à Oreille et son époux Arthur, par ailleurs président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) 32, ont racheté le dernier café du village de Simorre en 2011 pour en faire un lieu de vie à dimension culinaire (un restaurant), pédagogique (éducation à l’alimentation) et culturel (spectacles toute l’année). Ce lieu de vie, géré en coopérative par des habitants du village, a comme caractéristiques : la valorisation des produits locaux et de saison, l’approvisionnement exclusif en circuits courts et un potager à vocation pédagogique.

Hema Lemberton
Formée dans une école hôtelière, ayant travaillé en tant que chargée de relation clientèle dans un hôtel, Hema Lemberton a connu deux expériences en restauration, tout d’abord dans un petit restaurant à l’île Maurice, puis en salle à la Table des Cordeliers à Condom (32). En 2019, elle a rejoint le Comptoir des Colibris à Mauvezin, un restaurant d’insertion professionnelle, comme cheffe de cuisine.

Marie-Perle Manchadov
Après avoir tenu avec son époux pendant huit ans la brasserie Le Daroles à Auch, ils ont décidé de créer « Passion et gourmandise » une structure de consulting dans le domaine de la restauration. Leurs domaines d’intervention sont variés : création de cartes, conseils culinaires, traiteur/évènementiel, intérim. Marie-Perle Manchado est pâtissière de formation. Une passion héréditaire puisqu’elle est la cinquième génération d’une famille de pâtissiers avec, notamment, un père Meilleur ouvrier de France.