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Sobriété foncière : « Faire plus, mieux et ensemble »
Tirant les enseignements du colloque "Zéro Artificialisation Nette, opportunités et solutions pour les entreprises" organisé le 5 mai 2023 à Angers par les trois Chambres consulaires des Pays de la Loire, Annabelle MICHEL, responsable de mission prospective Objectif ZAN à la CCI de Maine-et-Loire, et Anne-Cécile BERNARD, chargée de mission Aménagement du Territoire à la CCI Nantes St-Nazaire, plaident pour de nouvelles politiques d’aménagement du territoire. Objectif : inventer un mode de développement économique répondant à l’objectif de sobriété foncière en y associant les entreprises et en garantissant l’attractivité du territoire.
Quels sont, du point de vue des CCI, les principaux enseignements du colloque ZAN ?

Lors de ce colloque, à destination des collectivités, partenaires publics et privés, nous avons voulu porter un discours positif sur le ZAN. Face au dérèglement climatique, dont l’artificialisation des sols est en grande partie responsable, nous devons agir collectivement, entreprises et pouvoirs publics, face à une équation complexe mais pas impossible à résoudre !
Ce colloque a permis de questionner nos choix d’aménagement et nos modèles de développement, montrer des expérimentations réussies et des opérations concrètes possibles pour chacun des acteurs et faire témoigner des entreprises déjà engagées dans cette trajectoire de sobriété
Il s’agissait aussi pour nous, Chambres de Commerce et d’Industrie, de positionner les entreprises au cœur de cette mutation. Et dans ce contexte, le rôle de la CCI est de sensibiliser et d’accompagner les entreprises dans leur prise de conscience individuelle et leur responsabilité collective sur un sujet majeur de préoccupation pour notre économie. Avec l’aide des intervenants au colloque, nous avons pu démontrer que nous pouvions et devions faire plus, mieux et ensemble.
« Intensifier notre production de logement mais aussi assurer l’accueil et le développement des entreprises. On ne fait pas l’un sans l’autre mais bien les deux à la fois dans un format plus compact, en faisant, non pas moins, mais mieux. »
Le ZAN est souvent perçu et traité dans une approche comptable et en contradiction avec d’autres politiques publiques générant, de ce fait, des inquiétudes dans sa mise en œuvre opérationnelle.
Comment dépasser cette approche et plaider pour un traitement global de l’ensemble des questions comme celles du logement, de la mobilité ou du développement économique ?

Il reste certes encore de nombreuses inconnues dans la mise en œuvre opérationnelle du ZAN. Mais, c’est en fixant des objectifs ambitieux et quantitatifs que l’on sera forcé d’agir et que l’on pourra assurer la transformation de nos modèles et leur viabilité.
Cependant, il ne faut pas s’attacher à la seule logique arithmétique. Il faut réussir à la dépasser pour adopter une approche globale répondant aux problématiques de territoire : intensifier notre production de logement mais aussi assurer l’accueil et le développement des entreprises. On ne fait pas l’un sans l’autre mais bien les deux à la fois dans un format plus compact, en faisant, non pas moins, mais mieux.
Dans la région, existe-t-il des espaces sous-exploités susceptibles d’être reconquis (friches industrielles, anciennes zones militaires, espaces d’activité sous-occupés) ?
La cartographie de ces espaces existe-t-elle et est-elle assez précise pour dégager des projets d’aménagement économique ? Des réalisations en Pays de la Loire peuvent-ils être considérés comme exemplaires ?

Il existe des friches foncières et immobilières : des outils nationaux comme Cartofriches doivent être complétés pour vérifier ces sites abandonnés ou non occupés, compléter le recensement préétabli, le quantifier et le qualifier de manière objective dans le cadre d’un observatoire à créer. Le travail réalisé en interconsulaire a permis de mettre en lumière des projets de reconquête de friches portés par les territoires et des acteurs privés qui ont contribué à maintenir une vocation économique en milieu urbain et rural alors que bien souvent, les friches économiques perdent leur vocation et mutent en faveur de projets résidentiels. En Pays de la Loire, nous pouvons citer les projets économiques exemplaires suivants : la manufacture collaborative « Ici Nantes », le village d’artisans « Port-Brillet » en Mayenne, le tiers-lieux « Level » à Laval, le « hall Lacroix » à Clisson ou encore à Fontenay-le-Comte avec l’appui de l’Etablissement Public Foncier.
Il y a bien évidemment des espaces sous-occupés dans les zones d’activités : là aussi, une analyse fine, de l’échelle régionale à locale, en complément des inventaires en cours de réalisation par les Établissements Publics de Coopération Intercommunale, les EPCI, devra permettre de les quantifier et qualifier. Dans une logique partenariale, nous souhaitons que l’état réel de l’occupation des zones d’activités soit réalisé pour anticiper leurs optimisations et aménagements, pour identifier le foncier et l’immobilier d’entreprise à mobiliser afin de répondre aux besoins d’implantation et de développement des entreprises dans une trajectoire de sobriété foncière. Nous devrons le faire en sensibilisant, par un travail de proximité, les entreprises occupantes des zones d’activités et les propriétaires des espaces afin de prendre en compte leurs projets, leurs besoins de services et d’équipements.
« Il faut faire confiance aux entrepreneurs qui savent et sauront faire preuve d’innovation et d’initiative. »
Les démarches de ZAN ne constituent-elles pas un frein au mouvement en cours de réindustrialisation et de relocalisation d’activités industrielles nécessitant des espaces fonciers importants ?
Comment concilier cet objectif de souveraineté économique industrielle et celui de sobriété foncière ?

Le développement économique dans nos territoires ne se résume pas qu’aux relocalisations industrielles nécessitant des espaces fonciers importants. Certes, il faudra conserver des emprises pour ces projets, d’où la nécessité de préserver le foncier pour des implantations contraintes qui en ont réellement besoin. Mais finalement, ces grands projets ne sont pas représentatifs d’un développement économique endogène qui fait vivre nos territoires. Dans les zones d’activités économiques existantes, il est encore possible de dégager de nouvelles capacités d’accueil via l’identification des gisements fonciers et l’optimisation de ces surfaces, l’extension de bâtiments en verticalité, la mutualisation des services et des usages, la réhabilitation de friches…
Pour les grands projets industriels, il faudra tout autant les accompagner vers une plus grande sobriété foncière. Celle-ci doit être dans le scope de tout porteur de projet au même titre que l’économie d’énergie ou la décarbonation des processus de production. Le foncier est une ressource qu’il faut économiser, recycler, même si c’est un pan qui n’est sûrement pas encore suffisamment mis en avant. Au-delà de l’optimisation foncière d’une parcelle via la réduction des marges de recul et l’augmentation de l’emprise au sol, c’est aussi l’optimisation des volumes dans les usines et des processus de production qu’il faut travailler davantage. Il faut faire confiance aux entrepreneurs qui savent et sauront faire preuve d’innovation et d’initiative. L’objectif ZAN va permettre de rentabiliser ces nouveaux modèles d’implantation.
« Le foncier et l’immobilier doivent être intégrés bien en amont des projets car ils font partie intégrante des mutations économiques, environnementales et sociétales à l’œuvre.
Nous allons devoir opérer, construire et accompagner tout autrement. »
Les conséquences de la sobriété foncière ne risquent-elles pas de diminuer l’attractivité économique et d’accroitre les inégalités territoriales ?

L’application du ZAN permettra d’inventer de nouvelles politiques d’aménagement des territoires et de développement économique ; c’est un réel défi qui attend tous les acteurs privés et publics et que nous vivons au quotidien dans nos missions. Le ZAN va permettre de réinvestir le foncier existant occupé par les entreprises. Le foncier et l’immobilier doivent être intégrés bien en amont des projets car ils font partie intégrante des mutations économiques, environnementales et sociétales à l’œuvre. Nous allons devoir opérer, construire et accompagner tout autrement. Souvent subie comme une contrainte, la trajectoire ZAN représente une réelle opportunité car elle va permettre de dégager beaucoup plus de coopérations, de mutualisations et de synergies entre les acteurs, et ce notamment, entre les entreprises sur des espaces densifiés. Les témoignages d’entreprises lors du colloque allaient dans ce sens. Une nouvelle attractivité économique est à générer !
L’ensemble des collectivités - les Régions, les EPCI et les communes - vont renouveler leurs projets de territoire et inscrire une nouvelle trajectoire pour les 20 ans à venir dans leurs documents de planification et d’urbanisme comme les SRADDET, les SCoT et les PLU¹. Les débats en cours dans la révision de ces documents montrent que le ZAN est aussi l’opportunité de s’interroger sur les équilibres et déséquilibres territoriaux à plusieurs échelles géographiques : métropoles, grandes villes, villes moyennes, petites villes et bourgs ruraux. Les coopérations territoriales devraient ainsi s’intensifier.
¹ SRADDET : Schéma Régional d’Aménagement de Développement Durable et d’Égalité des Territoires
SCoT : Schéma de Cohérence Territorial
PLU : Plan Local d’Urbanisme
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