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« Mon handicap me donne un surplus de motivation »
À l'occasion de la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH), Franck Ferreira Leal, directeur du METRO de Six-Fours-les-Plages, revient sur le sujet du handicap dans le monde de l'entreprise.
Quelle est la place du handicap au sein de votre entreprise ?
Chez METRO, il y a une politique volontaire sur la question. L'entreprise a signé son cinquième accord d'entreprise en faveur des personnes en situation de handicap. La loi oblige les entreprises à embaucher des personnes handicapées ou bien à payer une pénalité. Nous avons fait le choix de travailler avec tout le monde : nous prônons la diversité. Sur le site que je dirige, à Six-Fours-les-Plages, 9% des effectifs sont en situation de handicap, et j'en fais partie. Je pense que nous pouvons faire encore mieux, mais malheureusement il existe des freins.
Quelles sont les difficultés que vous évoquez ?
Il y a deux sujets importants. Le premier est le tabou autour du handicap. Il y a une forme de honte à déclarer que l'on est handicapé. Les personnes ont peur de perdre leur travail, d'être victimes de moqueries… et ce sont des inquiétudes légitimes car les gens autour de nous ont plein de préjugés. Quand j'ai fait moi-même les démarches pour être reconnu travailleur handicapé, j'ai reçu des remarques de toutes sortes et à tous les niveaux. Il y a beaucoup d'ignorance sur le sujet…
Le second sujet concerne la ressource. Il est difficile de communiquer avec les établissements qui mettent en relation les personnes handicapées et les entreprises. Il est donc compliqué de trouver du personnel en situation de handicap, alors que pourtant il y a plein de gens qui cherchent du travail.
Comment faire pour que l’entreprise puisse accueillir davantage de personnes en situation de handicap ?
Il peut être nécessaire de prévoir des aménagements de poste, mais parfois il suffit de pas grand-chose. J'ai travaillé, auparavant, avec une personne malentendante qui bénéficiait de quelques petits aménagements et cela se passait très bien avec toute l'équipe. Il faut surtout énormément de communication en interne. Dans mon entreprise, nous nous mobilisons lors de la semaine du handicap en entreprise, nous échangeons beaucoup avec le conseil social et économique, les managers… Tous les mois, nous faisons un point sur les choses mises en place. Nous partageons beaucoup avec les collaborateurs. Quand on en arrive là, c'est gagné.
En tant que dirigeant et travailleur handicapé, quel message souhaitez-vous faire passer ?
Je constate que les personnes handicapées autour de moi sont des personnes très motivées : elles ont un super état d'esprit, ont « la banane » et sont heureuses de travailler. Personnellement, mon handicap est aussi un surplus de motivation. J'aime mon métier et, malgré mes problèmes, on m'a confié un poste avec de grosses responsabilités. Ailleurs, on m'aurait peut-être donné un poste avec moins d'investissement intellectuel et physique, au prétexte de ne pas prendre de risque. Mais là, on m'a fait confiance.
Je veux dire aux personnes concernées qu'elles doivent y croire et être fortes.
Selon vous, comment faire pour encourager les entreprises à s’ouvrir davantage aux personnes handicapées ?
Aujourd’hui, on parle beaucoup d’entreprise responsable. Mais la RSE, ça ne se limite pas au tri des déchets ! Je n’arrive pas à concevoir qu’on préfère payer des amendes plutôt qu’embaucher des personnes handicapées. Parfois, on me dit que dans certains secteurs, comme le bâtiment, ce n’est pas possible. Mais c’est une légende urbaine ! Certains handicaps ne sont pas visibles et n’empêchent en rien de travailler, même si, effectivement, certains postes ne sont pas toujours accessibles.
Je vois donc deux façons de toucher les gens : la pédagogie et une forte mobilisation. Il faut d’abord informer davantage et montrer que le handicap ne correspond pas toujours à ce que l’on pense. Pour faire changer les regards, on peut s’appuyer sur des personnes connues avec un handicap invisible par exemple. Ensuite, si les entrepreneurs disent préférer payer l’amende plutôt que d’embaucher des personnes handicapées, c’est peut-être que celle-ci n’est pas assez importante. Je constate d’ailleurs que beaucoup ne savent même pas s’ils paient les pénalités ni à combien elles s’élèvent, tant le sujet n’est pas abordé…