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Vrai / Faux sur le design
Responsable de projets Design & Industrie du Futur à la CCI Grand Lille, David FERRON accompagne des entreprises de tous secteurs dans leur projet de design et favorise les rapprochements entre entrepreneurs et designers. Il passe en revue les idées reçues à propos de cette discipline créatrice, facteur d’innovation et de différenciation économique, encore mal connue.
1. Le design c’est pour faire beau !
Faux : Le design ne sert pas à faire beau mais à faire bien ! Le designer ne créé pas, comme pourrait le faire un artiste, en toute liberté, mais doit, au contraire, agir en gérant des contraintes multiples et pratiques, de coût ou de temps de production par exemple, pour résoudre un problème. Les solutions qui émergent dans ce cadre représentent un équilibre entre désirabilité - ce que les personnes veulent - faisabilité - ce qui est techniquement réalisable - et viabilité, autrement dit, ce qui est durable ou profitable.
Le design ne se réduit donc pas à l’esthétisme. Et du reste, l’esthétique dans toute démarche de design doit, avant tout, servir la fonction et contribuer aux valeurs de l’entreprise en termes de qualité perçue, d’identité reconnaissable, de cohérence de gamme… Et, comme le précisait Raymond Loewy, l’un des plus grands designers du XXème siècle, « La laideur se vend mal ». Le produit designé se met aussi au service du marketing pour susciter la désirabilité et donc mieux vendre le produit. Rappelons que de nombreux produits techniques sont conçus par des designers sans viser une « beauté » mais une réelle cohérence de conception comme c’est, par exemple, le cas du compteur Linky.
2. On peut « designer » un produit fini.
Faux : Nombre d’entreprises pensent spontanément au design comme un levier pour améliorer l’image de leurs marques et sollicitent les designers pour finaliser le carrossage d’un produit, lui donner un « style ». Pour éviter le risque de « design lifting », à l’image du «green washing », le designer doit être associé le plus amont possible, dès les phases de conception du produit ou du service, pour jouer pleinement son rôle. Plus il arrive tôt dans l’élaboration d’un produit, plus il apportera dans le choix de matériaux, des processus, de l’ergonomie de l’article, de l’optimisation des composants…
3. Le design c’est coûteux !
Faux : Cette image qui colle à la peau du design provient, pour une grande part, du « design de style » qui inonde les médias et les magazines de déco. On y aperçoit du mobilier ou des accessoires fruits d’une approche artistique, souvent élitiste, affichant des prix totalement incohérents avec l’usage potentiel de ces biens de consommation. Cette activité n’est pas représentative du métier ! Non seulement, un design n’est pas coûteux mais il peut, aussi, être source d’économies. Le design efficace d’un produit peut, ainsi, permettre de réduire les coûts de production en calculant, par exemple, au mieux, la quantité ou le type de matériaux composant l’article.
La démarche de design, qu’elle soit internalisée ou externalisée, représente un investissement qui contribue aux valeurs d’usages et à la valeur ajoutée de l’offre. Il permet également d’améliorer la qualité perçue du produit ou service, et, au-delà, l’image de l’entreprise. La part du design reste très faible comparée aux phases d’industrialisation et un client perçoit immédiatement si un produit est bien conçu et cohérent. Selon une étude danoise "The economic effects of design" publiée en 2003, le design génère 22 % de croissance en plus sur cinq ans.
4. Le design est présent partout dans la société.
Vrai : Le design ne s’arrête pas aux seuls produits. Le design couvre des champs beaucoup plus vastes. Citons, le design graphique présent partout dans la communication, y compris digitale, le design des espaces s’appliquant à l’architecture intérieure et à l’aménagement des commerces, des showrooms ou stands professionnels, le design de services qui s’appuie souvent sur des solutions numériques, le design urbain pour ré-enchanter nos villes et offrir de nouveaux usages aux citoyens… Et enfin, ce qui est peut-être moins connu et pourtant en fort développement, le design des politiques publiques. Il n’est qu’à regarder l’action des collectivités territoriales, à l’image par exemple de la métropole lilloise, pour imaginer la ville de demain en impliquant les usagers et citoyens.
5. Le design, une pratique polymorphe en entreprise ?
Vrai : Le design est effectivement utilisé dans différents domaines de l’entreprise : dans le management avec le codesign ou design collaboratif1, en matière d’innovation sous la forme du design thinking ou du design prospectif2, ou de marketing via le design de marque3.
Au-delà des produits, le design contribue dans l’entreprise à sa communication en véhiculant des signes identifiants de la société comme son logo, ses documents, son site web, à ses services en contribuant à l’amélioration de la relation avec les clients et à ses espaces de travail en travaillant par exemple à l’ergonomie des postes de travail ou sur la visibilité extérieure de l’entreprise. Le plus important reste de mettre en cohérence l’ensemble de ces éléments pour créer et assoir l’image de marque et la qualité perçue. Cela a des effets tant sur la motivation des collaborateurs que sur la satisfaction des clients. Le design réussi conforte le consommateur dans la cohérence de son acte d’achat et participe, ainsi, de sa fidélisation.
6. Le design, un moyen pour concevoir des produits ou services que les clients ont envie d’acheter ?
Vrai : Les démarches de design inscrivent au cœur de leurs préoccupations les besoins de la clientèle. En appréhendant plus précisément les contraintes d’usages, le designer peut mieux concevoir les produits ou services. Le design vise, le plus souvent, la simplicité d’usage. Cette recherche de la simplicité et du confort d’utilisation, on peut ainsi la retrouver dans la conception d’interfaces nécessitant moins de boutons, comme c’est de plus en plus le cas dans l’habitacle automobile ou sur les appareils électroniques. Au bout du compte, c’est la désirabilité de l’offre qui est recherchée et donc, in fine, l’acte d’achat par les consommateurs.
7. Le design se veut éthique.
Vrai/Faux : Les designers visent toujours l’optimisation des quatre fondamentaux de la conception des produits : les matériaux, la forme, les contraintes de production et le prix final. Mais l’éthique apparait, de plus en plus, comme une dimension incontournable. Les enjeux environnementaux nécessitent de se poser la question du cycle complet d’utilisation du produit, et ce, jusqu’à la fin de sa vie. Cela conduit à imaginer des produits plus écoresponsables : démontables pour un recyclage plus facile, plus frugaux en matières premières, incluant davantage de matières recyclées et recyclables, moins gourmands en emballage, et inscrits dans une boucle circulaire pour réutiliser, réparer ou produire localement. Cette tendance de fond touche tous les secteurs y compris le numérique. Des réflexions ont, d’ailleurs, été lancées pour l’émergence de nouvelles pratiques dans l’élaboration des services digitaux à l’image de l’action du collectif des designers éthiques.
8. Design et innovation sont liés par nature.
Vrai : On pourrait considérer que le design est, par essence, disruptif. Le designer imagine et conçoit « en dehors de la boite ». Cela le conduit donc, nécessairement, à innover. Comme le résume le designer Jean-Louis Fréchin :“ne demandez pas à un designer de dessiner un pont, demandez-lui comment traverser la rivière…”
Le designer amène de nouvelles idées, de nouveaux choix d’assemblage et de matériaux… J’ai même déjà vu un designer être à la source d’un brevet pour son entreprise cliente. Il propose, évalue, met en concurrence les solutions possibles. Il apporte aussi sa méthode de travail, sa façon de penser… Qui n’a pas entendu parler de design thinking ? Cette méthode créative, initialement propre aux designers, qui consiste à intégrer l’utilisateur dans la réalisation rapide d’un prototype testé collectivement pour s’affranchir les freins ou problèmes rencontrés jusqu’à trouver une solution cohérente et consensuelle. Osons le dire, le designer est assurément un moteur d’innovation pour l’entreprise et, plus globalement, pour toute autre organisation !
1 Le codesign ou design collaboratif encourage la coconception d’un produit ou service en sollicitant différentes compétences, internes ou externes, aux entreprises pour faire adhérer au projet.
2 Le design thinking est une approche de l’innovation et de son management qui se veut une synthèse entre la pensée analytique et la pensée intuitive. Il s’appuie sur un processus de cocréativité impliquant des retours de l’utilisateur final.
3 Le design de marque vise à créer et à gérer l’identité d’une marque à travers son logo, son packaging et le design de ses produits pour améliorer sa reconnaissance par les consommateurs.