1er accélérateur des entreprises

Fabriqué en France
Interview

Fauvel : la tradition réinventée

L’entreprise artisanale de fabrication de céramiques Fauvel, situé à Moon-sur-Elle, dans le département de la Manche, entend faire rimer tradition et innovation. Entre restauration de monuments historiques et production de carreaux sur-mesure et contemporains, la PME normande, fondée en 1960, a su se réinventer. 

« Nous sommes les seuls à pouvoir garantir une fabrication artisanale et à faire du sur-mesure en maîtrisant l’ensemble du process de production de A à Z.» Ce n’est pas une promesse que fait Bertrand Foucher, le gérant de l’entreprise Fauvel, fabricant de carrelages et de céramiques, c’est une réalité. Une réalité que peuvent découvrir les visiteurs de l’atelier situé à Moon-sur-Elle, à 10 mn au nord de Saint-Lô (Manche) lors des Journées Européennes du Patrimoine . Une manifestation à laquelle la PME normande participe régulièrement « parce qu’il est important de s’ouvrir aux habitants de notre territoire et à tous ceux et toutes celles, professionnels ou particuliers, curieux de découvrir notre savoir-faire ».

fauvel atelier

Les procédés de fabrication traditionnels, toujours utilisés par l’entreprise, « qui ont disparu en France il y a vingtaine d’années », précise le gérant, lui permettent de faire la différence sur un marché largement industrialisé et internationalisé. « Nous nous revendiquons comme une entreprise artisanale : chaque carreau, même le plus simple, passe, au moins une fois, entre les mains de nos ouvriers et nous avons la souplesse d’organisation et la maîtrise de la fabrication pour faire du sur-mesure et nous adapter aux demandes de nos clients, même pour de très petites quantités », explique Bertrand Foucher. 

L’entreprise Fauvel, toujours détenue par un groupe familial, a été créée en 1960 pour produire du carrelage, d’abord brut, puis émaillé. Au fil des décennies, elle a su évoluer tout en conservant ses savoir-faire ancrés dans une tradition multiséculaire de fabrication de pavés de céramique de type « Pré d’Auge ». L’argile était extraite sur place et façonnée par des potiers pour produire des carreaux faïencés qui ont fait la renommée des producteurs locaux.

« Nous nous revendiquons comme une entreprise artisanale : chaque carreau, même le plus simple, passe, au moins une fois, entre les mains de nos ouvriers et nous avons la souplesse d’organisation et la maîtrise de la fabrication pour faire du sur-mesure et nous adapter aux demandes de nos clients, même pour de très petites quantités », explique Bertrand Foucher.

Le salut par l’innovation et la communication

Quand le gérant précédent a voulu passer la main, fort logiquement, Bertrand Foucher, technico-commercial dans l’entreprise et donc à l’interface entre la production et la clientèle, a proposé ses services pour écrire la suite de l’histoire de l’entreprise. Une transition logique mais pas un long fleuve tranquille. Le nouveau gérant a dû rapidement affronter les conséquences de la crise de 2008. « Les gens achetaient moins de chaumières normandes traditionnelles et donc moins de carreaux en terre cuite pour le décor ou ne voulaient pas, compte tenu de la baisse des prix de l’immobilier à l’époque, investir dans des aménagements intérieurs de qualité.» Les architectes, les prescripteurs naturels des établissements Fauvel, faisaient aussi moins appel à eux. Il fallait réagir ! Le salut est venu de l’innovation et de la communication. 

La marque Normandy Ceramics est née, il y a une dizaine d’années, de la volonté de suivre l’évolution des goûts et des tendances « déco » du moment pour proposer des gammes de céramiques « plus contemporaines, plus modernes ». Et pour prendre ce virage de la modernité, l’entreprise a utilisé sa propre recette : un alliage spécial entre le savoir-faire et l’expérience de ses 10 ouvriers maîtrisant une demi-douzaine de métiers différents, l’utilisation de vieilles machines et de fours adaptés à la production en petite série, et le regard neuf de designers et architectes.

photo fauvel

« Collab » au long cours

Avançant prudemment au début, le fabricant traditionnel a tout d’abord essayé de suivre la mode… « avant, bien vite, d’avoir la prétention de vouloir la créer »,entonne le gérant. C’est Pietro Siminelli, Maître d’Art spécialisé dans les textiles et spécifiquement les plis, qui a ouvert le ban en se rapprochant de la maison Fauvel pour exprimer ses idées sur un autre matériau. Dans une logique de « collab », associant un designer et un fabricant, l’entreprise a voulu instaurer un partenariat au long cours avec ces artistes qui sont maintenant au nombre de dix et qui sont également des influenceurs. « Ils ont été novateurs en termes de formes et de couleurs, exprimant des tendances variées et enrichissant notre gamme de produits », se félicite le directeur.

« Les réseaux sociaux nous ont aussi apporté énormément de visibilité et d’adhésion de nos clients à notre travail. », constate Bertrand Foucher. Le site Normandy Ceramics, vitrine de ce virage de la maison Fauvel, met tout à la fois en avant ses nouvelles collections mais aussi ses réalisations prestigieuses en matière de restauration historique. Une offre qui a vocation à séduire tant des particuliers (2/3 de la clientèle) que des professionnels (hôtels, restaurants, bars…). « Nous cherchons à faire rimer tradition et innovation », résume Bertrand Foucher. À ce titre, les références de l’entreprise artisanale dans les travaux de restauration accomplis depuis une dizaine d’années au Mont Saint-Michel, au Grand Trianon de Versailles, au Donjon de Vincennes ou au Logis Royal du château d’Angers, enrichissent sa carte de visite.

Envie de rencontrer le producteur

Locale pour moitié il y a vingt ans, la clientèle s’est élargie attirée par l’offre en ligne ou conseillée par des architectes d’intérieur. « Il y a une anecdote qui est révélatrice : il y a 15 ans quand j’étais encore technico-commercial, je passais ma vie sur la route à essayer de convaincre les architectes de s’intéresser à nos produits. Maintenant, ce sont eux qui viennent nous voir ici, à Moon-sur-Elle », confie le gérant. Et ils ne sont pas les seuls. « Un peu comme pour l’achat de vin, on a envie de rencontrer le producteur. Nos clients amateurs de carrelage haut de gamme n’hésitent d’ailleurs pas à venir sur place pour voir nos produits et notre atelier. »

La fabrique, l’une des premières entreprises labellisées Entreprise du Patrimoine Vivant de France et affichant la mention « Made in France » pour ses produits fabriqués par une main d’œuvre à 100 % normande, est toujours partante pour ouvrir ses portes et faire connaître son activité aux jeunes … « même si les métiers manuels ne font pas forcément rêver », soupire Bertrand Foucher. « Et pourtant, ajoute-t-il, nous faisons tous, ici, un métier de passionnés. » Au point que les ouvriers, malgré l’exigence de l’activité, y font toute leur carrière et se chargent de former eux-mêmes leur propre successeur, car il n’existe pas de formation professionnelle correspondant à l’exercice de leur métier de céramiste.

photo fauvel 4

L’entreprise, malgré la croissance de son activité, ne cherche pourtant pas à grossir « pour ne pas transiger avec l’exigence de la qualité du produit fini qui est notre marque de fabrique », commente Bertrand Foucher. L’entreprise artisanale entend continuer de travailler à la commande et sans stock pour rester elle-même. S’il n’avait qu’un « modeste » désir, confie le gérant, « ce serait de pouvoir faire installer un panneau sur les bords de la route pour indiquer la direction de l’atelier de Moon-sur-Elle qui n’est pas facile à trouver. » Ce n’est pourtant pas, pourrait-il ajouter, demander la lune…

Chiffres repères :

60 ans d’existence

200 formats, 200 couleurs différentes de carreaux

15 salariés

1,2 million de chiffre d’affaires (CA)

95 % du CA par la céramique contemporaine

5 % du CA par les carreaux bruts

10 % du CA à l’export

block content
Mis à jour le 28 juillet 2021