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Interview

« Démontrer sans cesse notre capacité a valoriser au mieux les produits de la pêche »

La CCI métropolitaine Bretagne ouest, située à Quimper, dans le Finistère, gère les 7 ports et 6 criées de Cornouaille. Présentation de l’activité des criées cornouaillaises par Christophe Hamel, son Directeur et, par ailleurs, président de l’association nationale des dirigeants de halles à marées.

Pouvez-vous présenter les spécificités des criées de Cornouaille ?

« Sous la bannière commune « Cornouaille Port de Pêche », on retrouve des criées spécialisées par activité. La place de marché du Guilvinec est réputée pour sa pêche hauturière vendue tous les matins. Il s’agit d’une pêche au large de bateaux partant en mer pour une période allant d’une à deux semaines et rapportant essentiellement des poissons blancs comme le merlan, le merlu, la raie ou la lotte. Le Guilvinec est une criée très dynamique : on assiste ainsi, chaque soir, à la vente d’une pêche côtière, avec pour spécialité, la langoustine. La criée d’Audierne, quant à elle, est connue pour sa pêche « haut de gamme » avec des espèces de poisson recherchées comme le bar et le lieu de ligne. Les poissons bleus, comme la sardine, l’anchois, le maquereau, sont plus particulièrement vendus dans les criées de Douarnenez, Saint-Guénolé-Penmarc’h et Concarneau.

Ce sont des produits de qualité. Les pêcheurs qui les rapportent réfrigérés à bord pratiquent la pêche à la bolinche, du nom du filet permettant de capturer sans les abimer les bancs de poisson. C’est aussi une pêche importante en volume car elle représente entre 15 et 17 000 tonnes des 50 000 tonnes pêchées chaque année dans les ports de Cornouaille. Et pour conclure ce tour d’horizon de nos spécialisations, nos voisins brestois ont fait leur renommée de la vente de crustacés quand la criée de Saint-Quai Portrieux s’est spécialisée, elle, dans la vente de coquilles Saint-Jacques. Ce qui fait au final, entre les criées gérées par la CCI, une belle complémentarité d’activité. »

Quelles sont vos missions en tant que directeur des criées de Cornouaille ?

« La criée, c’est le maillon de la chaîne qui se situe entre les pêcheurs et les transformateurs et distributeurs. C’est aussi la première mise en marché du poisson. C’est, enfin, la première étape dans la traçabilité des produits de la pêche.

Pourtant, les halles à marée ne représentent que 60 % des volumes de poisson vendus en France. Le reste des ventes est réalisé dans une logique de circuit court par la vente en direct sous contrat entre un pêcheur et un acheteur qui peut être un transformateur de poisson ou un acteur de la grande distribution. Cette vente en direct, en développement, est notre principal concurrent. Pour y faire face, nous devons offrir les meilleurs services et garanties à nos clients. Cela passe par les actions qui génèrent de la confiance en jouant la carte de la transparence sur notre gestion des produits de la pêche. Cela passe aussi par les investissements que nous réalisons pour améliorer l’usage de notre équipement. »

Travaillez-vous sur le positionnement marketing des criées de votre territoire ?

« Depuis quelques années, le poisson se raréfie. On est clairement sur un marché de pénurie et, donc, on ne manque pas d’acheteurs qui, de plus, depuis 2013, n’ont plus besoin d’être agréés mais seulement enregistrés ! Nous comptabilisons actuellement 224 acheteurs*, cornouaillais pour 90% d’entre eux. Pour améliorer la visibilité de notre offre et faciliter le travail des acheteurs, nous avons mis en place une plateforme informatique w-fish.com qui fournit des informations actualisées quotidiennement sur nos prévisions d’approvisionnements.

Inversement, pour ce qui concerne l’offre, nous menons effectivement des actions de marketing pour attirer dans nos ports et criées de nouveaux pêcheurs. Nous faisons du sourcing notamment à l’étranger, en Angleterre, Irlande, Ecosse et Espagne en vendant le dynamisme de nos halles à marée. Ce message passe d’autant plus facilement que le marché de la vente de poisson est devenu beaucoup plus transparent. Nous œuvrons à renforcer encore cette transparence en insistant pour convaincre les pêcheurs de nous communiquer le plus tôt possible, bien avant d’arriver au port, les types de poisson, la quantité et la qualité de leur pêche. Ces informations sont décisives pour attirer les acheteurs vers nos places de marché car, ne l’oublions pas, ils ont le choix des lieux d’approvisionnement. Cette communication en amont favorise clairement les ventes, et même, l’achat à l’aveugle, c’est-à-dire, sans voir le poisson. A preuve, 70% des ventes en Cornouaille se font par internet. C’est un système de vente qui repose sur la confiance et sur la fiabilité des informations transmises. Ce qui n’interdit pas aux acheteurs, in fine, de préférer tel ou tel producteur pour la qualité de la préparation de son poisson à bord. Cet achat à distance est une tendance forte que nous accompagnons en envisageant des systèmes d’information plus innovants grâce à la vidéo ou à des témoignages sonores sur les produits mis en vente. »

criée

Quels sont vos projets de développement des criées de Cornouaille ?

« Nous allons investir 28 millions dans nos criées pendant les huit années de notre concession. C’est considérable ! Nous entendons démontrer sans cesse notre capacité à valoriser au mieux les produits de la pêche. 14 millions seront utilisés pour l’entretien et le renouvellement des équipements comme, par exemple au Guilvinec, le remplacement des grues de déchargement, l’aménagement des quais pour accueillir plus de chalutiers ou l’installation d’un plus grand vivier pour les crustacés. 10 millions d’euros seront alloués à l’amélioration des conditions de travail et à la modernisation des équipements.  Notre priorité c’est la maîtrise optimale de la chaîne du froid. Cela passera notamment par l’agrandissement de nos chambres froides et la climatisation de l’ensemble des criées. Les 4 millions restants seront affectés au respect des normes imposées par notre contrat comme par exemple le traitement des rejets liés à notre activité.»

Quelles actions entendez-vous mener pour améliorer les conditions de travail d’un personnel travaillant dans un environnement difficile ?

« Nos exploitations sont, de fait, concernées par le dispositif pénibilité car notre personnel travaille avec des horaires décalés, dans le froid et réalise beaucoup de manutentions. Pour atténuer les effets négatifs sur les organismes du travail dans cet environnement difficile, nous allons aménager ou rénover les lignes de production, robotiser les tâches de manutention et mécaniser le glaçage du poisson. Ces travaux sur les conditions de travail seront spécifiquement conduits dans les criées de Concarneau et du Guilvinec. Pour l’ensemble de nos halles à marée, nous essayons d’aménager au mieux nos espaces de travail pour réduire les déplacements et diminuer le port de charges. Nos collaborateurs exercent des métiers difficiles ; nous entendons les maintenir en activité et en bonne santé en les formant et en les faisant évoluer en passant par exemple du tri du poisson à sa pesée. »

Les criées ont-elles un potentiel touristique ?

« A la faveur de la signature de notre nouvelle concession, nous avons effectivement intégré dans notre plan d’action la dimension touristique. C’est clairement un vecteur de promotion de la filière. D’ailleurs, juste à côté de la criée du Guilvinec se trouve Haliotika, la cité de la pêche, avec laquelle nous collaborons. Après leur visite du lieu d’exposition, les touristes et scolaires viennent assister depuis le toit de la criée, en fin d’après-midi, à l’arrivée des bateaux de pêche et au déchargement du poisson. Ils assistent aussi à des visites guidées de la halle à marée pour comprendre la vente du poisson. Ce ne sont pas moins de 50 000 personnes qui, chaque année, découvrent la criée du Guilvinec. Pour améliorer leur accueil, nous étudions la mise en place, pour l’an prochain, de galeries de visite pour optimiser la valorisation de notre activité en toute sécurité et dans le respect des normes d’hygiène. Nous étudions, actuellement, les moyens de tirer profit plus grand du potentiel touristique de nos équipements.»

 

*Les acheteurs dans les criées de Cornouaille se composent à 75 % de mareyeurs (grossistes qui approvisionnent les marchands de poisson), à 15 % de la grande distribution et à 10% de poissonniers et restaurateurs.

Les 7 ports et 6 criées de Cornouaille

Légende : Criée Port

À noter qu’au nord du département du Finistère, deux autres criées, à Roscoff et à Brest, sont également gérées par la CCIMBO. Sur les 34 criées de France, il y en a 13 en Bretagne (toutes gérées par les CCI à l’exception de celle de Lorient) dont 6 pour la seule Cornouaille. Ces six criées cornouaillaises font travailler 147 personnes.

Volume des équipements portuaires de la CCI Bretagne Ouest *

25% de la pêche fraîche française

50% de la pêche fraîche bretonne


Poissons vendus

50 000 tonnes de poissons vendus en Cornouaille dont 20 000 au Guilvinec


Chiffre d'affaires et taxes

140 millions d’euros de ventes

Les criées prélèvent sur ce montant des taxes oscillant entre 6% et 10% des ventes ce qui représente environ 15 millions d’euros.


+ de 5 500 emplois

La filière pêche occupe une place prépondérante dans l'économie cornouaillaise

*Source : CCIMBO Quimper


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Mis à jour le 13 janvier 2022