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Interview

Tony BATES : « L’offre des CEL en français langue étrangère : des formations sur-mesure »

Responsable du Centre d'Etude de Langues (CEL) OUEST NORMANDIE basé à Cherbourg (Cotentin) depuis 18 ans, Tony Bates est aussi le coordinateur national du réseau des CEL porté par les CCI. À la faveur de la journée internationale de la francophonie, il présente l'offre en français langue étrangère du réseau des CEL, qui compte 82 centres sur l'ensemble du territoire.

Que représentent les formations en Français Langue Etrangère (FLE) et en Français Langue d'Intégration dans l'activité des CEL ?

Depuis près de 50 ans, le réseau des CEL forme plus de 8 000 personnes par an à une vingtaine de langues mais, très majoritairement, à hauteur de 90 %, à l’anglais. Le FLE n’était pas une activité historiquement forte du réseau mais elle a beaucoup progressé depuis quelques années avec environ 600 stagiaires par an aujourd’hui. Pour prendre un exemple, celui de mon CEL, nous avions auparavant une seule formatrice en français langue étrangère. Nous en comptons maintenant huit occupées à temps plein. Développée tout d’abord dans les zones frontalières, cette offre varie énormément d’un centre à l’autre ; elle peut représenter, dans certains cas, jusqu’à 30 % de l’activité d’un CEL. Pour ce qui concerne le Français Langue d’Intégration, la situation est un peu différente. Les publics du FLI sont prioritairement en recherche d’insertion professionnelle ou ont pour objectif d’atteindre le niveau B1 de certification européenne requis pour obtenir la nationalité française(1).

« La poursuite de la construction européenne et la mondialisation ont donc clairement favorisé le développement de nos formations. »

Comment peut-on expliquer ces évolutions ?

La croissance de la demande en FLE peut s’expliquer par l’ouverture de nos frontières et la mobilité des travailleurs qui en découle. La poursuite de la construction européenne et la mondialisation ont donc clairement favorisé le développement de nos formations. Par ailleurs, des mesures d’incitation à se former comme le Compte Personnel de Formation (CPF) ont aussi facilité le recours à notre offre.

En ce qui concerne le FLI, les réformes de l’accueil de populations étrangères en France, durant la présidence de Nicolas Sarkozy, se sont traduites par la généralisation des tests mesurant le niveau en français des candidats à la naturalisation. Proposant ces outils de certification, le réseau des CEL a logiquement mis en avant, à cette occasion, son offre de formation. Par la suite, les Régions, avec des implications variables d’un territoire à l’autre, ont pu soutenir le développement de ce type de formation, et ce, en vue de répondre aux besoins économiques du territoire.

Quelles sont les motivations des stagiaires ?

Ces formations en FLE concernent essentiellement des salariés d’entreprises étrangères, assez largement qualifiés, voire très qualifiés, qui viennent travailler en France. Ainsi, à Cherbourg, nous formons actuellement des ingénieurs d’une société danoise concevant des éoliennes. Ils sont détachés pour plusieurs années et ont besoin, pour travailler mais aussi pour mieux vivre en France, d’améliorer leur niveau de français. Il arrive également que des stagiaires utilisent le français au retour dans leur pays pour pouvoir continuer de travailler avec des contacts français. Ces grandes entreprises, qui sont nos clientes, peuvent aussi offrir des sessions de formation aux conjoints ou conjointes des personnels détachés, et même parfois, à leurs enfants.

À noter que nous formons également des étudiants étrangers qui viennent faire leur thèse en France. Il en est de même des jeunes filles ou jeunes garçons au pair car la formation en français constitue une obligation qui incombe aux familles employant ces jeunes étrangers. Pour le FLI, il s’agit de demandes de particuliers, de tous niveaux de qualification, inscrits dans des démarches collectives de remise à niveau en vue d’obtenir la nationalité française ou trouver en premier lieu un emploi. Les formations FLI s’organisent traditionnellement en réponse à des appels d’offres de l’État, du service public de l’emploi ou des Régions.

« Nous ne proposons quasiment que des formations sur-mesure. On pourrait dire que c'est un peu de la haute couture à la française. »

Quelle est votre approche pédagogique ?

Pour le FLE, nous ne proposons quasiment que des formations sur-mesure. On pourrait dire que c'est un peu de la haute couture à la française. Nous n'avons pas d'offre standardisée. Nous nous adaptons à chaque cas en concevant des programmes adaptés à chaque situation professionnelle. Ce sont des formations très majoritairement en individuel, calées sur les attentes de l'entreprise et du bénéficiaire qui peut avoir des besoins d'ordre professionnel et/ou personnel. Elles prennent aussi en compte, bien évidemment, le niveau et les contraintes de travail du stagiaire. Nous allons même jusqu'à associer le style du formateur au profil des formés.

Au niveau de nos méthodes de travail, nous mesurons à l’entrée et à la sortie de la formation le niveau de maîtrise de la langue. À l’issue de la formation, pour reconnaitre les acquis de la formation, nous délivrons des certifications de Compétences Linguistiques Orales et Ecrites, CLOE, validées par CCI France, reconnues nationalement par France Compétences et finançables par le CPF. C’est une garantie de fiabilité de la formation pour les salariés comme pour les entreprises. Et pour atteindre l’exigence de performance attendue par les entreprises clientes, nous privilégions le blended learning pour reprendre un anglicisme, ou autrement dit, une approche multimodale des parcours de formation en bon français. Quant à nos formateurs, ils jouent un peu le rôle de coachs linguistiques. L’enjeu, pour nous, est d’inciter sans relâche les formés à profiter de l’immersion en France pour améliorer leur apprentissage et ne pas céder à la tentation de ne parler que leur langue maternelle en famille et l’anglais, considérée comme la langue des affaires, au travail. La solution repose sur l’envie, que l’on essaie de faire partager, de s’ouvrir à une nouvelle culture, de nouvelles façons de voir le monde grâce à la maîtrise du français.

« Nous ne les formons pas seulement à la langue mais nous essayons aussi de les ouvrir à la culture. Nos formateurs jouent un peu le rôle d'ambassadeurs de la culture française. »

Travaillez-vous également avec les acteurs économiques pour répondre aux besoins en compétences des territoires ?

Les CEL étant assez souvent intégrés au sein des centres de formation des CCI, ils sont en première ligne pour répondre aux besoins des entreprises employant des salariés étrangers parlant peu ou mal le français. C'est le cas notamment dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme. Pour identifier ces salariés, nous travaillons en partenariat avec les équipes de la CCI et ses partenaires, les Missions Locales ou Pôle Emploi. Les besoins en formation se manifestent dans les cas de pénuries de compétences ou à la faveur de grands travaux nécessitant une main d'œuvre en nombre. »

Que représente pour vous la journée internationale de la francophonie ?

En tant que responsable d’un centre d’étude des langues, je considère évidemment que tout événement qui valorise les langues et promeut leur apprentissage est une bonne chose. C’est aussi, pour nous, l’occasion de souligner le développement de notre activité de formation et surtout de ses bénéfices pour les publics concernés. Nous ne les formons pas seulement à la langue mais nous essayons aussi de les ouvrir à la culture. Nos formateurs jouent un peu le rôle d’ambassadeurs de la culture française. L’envie et la passion de découvrir constituent d’ailleurs les meilleurs moyens de progresser dans l’apprentissage linguistique. On apprend mieux une langue si on l’aime.

Enfin, personnellement, étant partagé entre trois cultures, anglaise par mon père, espagnole par ma mère et française par mon épouse, je me définis avant tout comme un européen. J’ai d’ailleurs très mal vécu la décision du Brexit que je considère comme un gâchis. Mais, à toute chose malheur est bon, le français pourrait bénéficier de ce reflux de l’influence de la langue anglaise en Europe. La francophonie pourrait gagner du terrain. Et si le français devenait la future langue des affaires en Europe ? Précision : ce n’est pas de l’humour anglais…. (sourire) »


  1. Le niveau de maîtrise des langues a été harmonisé en Europe par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL) qui va de A1 (débutant) à C2 (maîtrise totale). Le niveau B1 requis pour l’acquisition de la nationalité française garantit l’autonomie de la personne dans sa vie quotidienne. A titre d’indication, le passage d’un niveau de maîtrise au niveau supérieur nécessite environ de 50 à 100 heures de formation.

Pour en savoir plus :

Compte Personnel de Formation (CPF) 

CECRL

CLOE

France Compétences

 

Mis à jour le 25 juin 2021