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Interview

« Territoire zéro chômeur » dans le Gard : réinsérer dans l’emploi des chômeurs de longue durée et créer de l’activité dans le territoire

La CCI du Gard s'est engagée aux côtés de la mairie de Marguerittes (située près de Nîmes), dans la création d'une entreprise à but d'emploi dans le département. Présentation par Priscille Julien, conseillère développement durable-environnement-énergie à la CCI, chargée du portage de ce projet qui s'inscrit dans le cadre du dispositif « territoires zéro chômeur ». Les expérimentations de ce dispositif ont été étendues par la loi du 14 décembre 2020.

Quelle a été la motivation de la CCI à s’engager dans cette démarche ?

Notre CCI a pour vocation de favoriser le développement économique de son territoire et de soutenir l’entrepreneuriat. C’est cette double raison qui a incité Florence Lévy, élue de la CCI du Gard, à s’intéresser au dispositif « Territoires Zéro Chômeur » porté par l’Association nationale territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD). La réussite de la première expérimentation dans 10 territoires, dont celui de Lille Métropole, soutenu par la CCI Grand Lille, a permis la création d’un millier d’emplois en France. Nous avons voulu évaluer les conditions de réussite de ce dispositif qui est parfaitement en phase avec notre ADN consulaire. Nous nous sommes donc engagés aux côtés de la mairie de Marguerittes qui porte le projet de création d’une entreprise à but d'emploi (EBE). C’est une démarche vertueuse qui permet de réinsérer dans l’emploi des chômeurs de longue durée et créer de l’activité dans le territoire.
La CCI du Gard ne pouvait qu’y souscrire.

 

Pourquoi cette action sur le territoire de Marguerittes ?

Parce que le Gard est un département fortement touché par le chômage avec, au moment du lancement de l’opération, un taux de chômage de 14,7 % contre 8,1 % au niveau national. Parce que la ville de Marguerittes, qui est située à la périphérie de Nîmes et qui accueille 250 entreprises, répond aux critères d’éligibilité du dispositif. Elle compte moins de 10 000 habitants et 450 demandeurs d’emploi de longue durée résidant depuis plus de six mois dans la commune. Et enfin, comme la ville n’est pas très urbanisée, les risques de concurrence avec des activités exercées par le privé sont plus faibles et donc les effets d’aubaine potentiellement évitables.

Le projet de territoire devait être partagé

La préparation de dossier a-t-elle été longue ?

Effectivement, entre le début de notre réflexion et le dépôt de notre candidature, deux ans se sont écoulés. C'est un temps long surtout pour ces personnes qui ont hâte de retrouver un emploi stable et de s'en sortir le plus vite possible. Mais c'était un temps incompressible et nécessaire pour préparer sérieusement notre dossier et faire adhérer au dispositif et accompagner les acteurs locaux et, bien évidemment, les demandeurs d'emploi eux-mêmes.

Début 2019, nous avons créé le comité local du projet associant les collectivités territoriales et locales, la préfecture, la Direccte, le conseil départemental, Nîmes Métropole, Pôle Emploi, et de nombreux autres acteurs économiques. Le projet de territoire devait être partagé. Il a aussi été soutenu par Laurent Grandguillaume, président de l’Association nationale Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) qui était venu échanger, à l’été 2018, avec les acteurs du territoire gardois. Au total, nous avons rencontré en entretien individuel plus de 100 personnes motivées pour rejoindre le projet.

Finalement, la loi du 14 décembre 2020 permet désormais à 50 nouveaux territoires d’expérimentation de déposer leur candidature. Nous attendons, pour le milieu de l’année 2021, le décret d’application qui nous permettra de déposer cette candidature, fin 2021 et de créer, de façon effective, l’EBE si notre dossier est retenu. C’est une grande satisfaction pour tous les acteurs du territoire mobilisés pour la réussite de la démarche !

travail équipe

Quelle a été, concrètement, l’implication de la CCI dans la conduite du projet ?

La mairie de Marguerittes est porteuse du projet, et la CCI l’épaule. À ce titre, les équipes de la Chambre de commerce et d’industrie interviennent sur le volet économique du projet et ce, tout au long du processus. Cela consiste à identifier le projet et le territoire, fédérer les acteurs locaux, coanimer les comités locaux, convaincre les demandeurs d’emploi, identifier, avec eux, les services que pourrait proposer l’EBE, monter le business plan et associer les entreprises privées au démarrage et à la croissance de l’entreprise. Car, si l’entreprise a besoin des ressources de l’indemnisation du chômage pour se créer, elle a vocation à devenir autonome et viable économiquement.

Nous travaillons à l’élaboration, à l’aide des outils du réseau, le business plan de la future entreprise à but d’emploi.

La perspective de retrouver un emploi, en CDI et près de chez soi

Les demandeurs d’emplois ont-ils, eux aussi, été impliqués dans la démarche ?

Oui, cela a été une coconstruction. Les personnes volontaires ont contribué à identifier des activités non concurrentielles du secteur privé pouvant répondre à un besoin non satisfait dans le territoire. Elles se sont réunies deux fois par mois pour imaginer de nouveaux services et sont allées, ensuite, dans les entreprises pour vérifier s'ils pouvaient être complémentaires à ceux déjà proposés. Ces nouvelles prestations peuvent s'adresser aux collectivités locales, aux entrepreneurs ou aux particuliers. Il s'agit, par exemple, de la mise en place d'un ramassage scolaire, inexistant actuellement, de la création d'une recyclerie pour donner une seconde vie à des produits jetés ou pour les remployer, de la réparation de cycles ou d'un service de livraison à domicile ou en entreprise. La CCI a contribué à formaliser et à chiffrer les bénéfices économiques de ces activités.

Quels étaient les profils des demandeurs d’emploi ? Et leurs ressentis par rapport à cette expérience ?

Nous avons été surpris par l'engagement en nombre et en qualité de ces personnes souvent très éloignées de l'emploi, ayant enchaîné les galères, les problèmes financiers évidemment, mais aussi familiaux et de santé parfois. Les personnes sont fragilisées par ce chômage de longue durée et elles ont besoin d'être encouragées pour reprendre confiance en elles et pouvoir se projeter vers un avenir porteur d'espoir. Le basculement vers le retour à l'emploi tient, de fait, à peu de choses. Même si elles peuvent douter de leurs capacités à atteindre cet objectif, on sent réellement chez elles l'envie d'être utile, d'être en relation avec les autres et de participer à une action collective.

La perspective de retrouver un emploi, en CDI et près de chez soi, a contribué à enclencher des dynamiques individuelles et collectives.
Les participants ont pu retrouver des repères quotidiens et réapprendre à travailler ensemble. On envisage, d'ailleurs, des séquences d'immersion en entreprise pour renforcer ces comportements et leur permettre d'apprendre de nouveaux savoir-faire. Si nécessaire, cela pourra aussi se traduire par des sessions de formation complémentaires, en lien avec Pôle Emploi, avant le démarrage de l'entreprise à but d'emploi.


L'autre voie de la lutte contre le chômage

Le dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée » a été étendu par la loi du 14 décembre 2020. Il permet d'utiliser activement l'indemnisation des demandeurs d'emploi de plus d'un an en leur redonnant un emploi et en créant de l'activité dans les territoires.

Né d'une initiative de plusieurs associations, dont ATD Quart-Monde, Emmaüs France et le Secours Catholique, ce dispositif a été testé dans dix territoires en application de la loi d'expérimentation territoriale du la loi du 29 février 2016 avant d’être étendu à 50 nouveaux territoires par la loi du loi du 14 décembre 2020.

Cette expérimentation constitue une autre voie dans la lutte contre le chômage de longue durée en réactivant les dépenses passives d'indemnisation des demandeurs d'emploi grâce à la création d'activités non délocalisables et n'entrant pas en concurrence avec des prestations déjà existantes. Ces activités exercées dans le cadre d'une entreprise à but d'emploi (EBE) se manifestent dans des secteurs ou domaines en développement : la transition écologique, l'économie circulaire, la sécurité alimentaire (maraîchage, permaculture), les mobilités alternatives, ou les services à la personne…

« On ne fait pas pour mais avec les personnes. » Laurent Grandguillaume, Président de l’Association nationale Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) résume la philosophie de ce dispositif public expérimenté depuis cinq ans en France. Une philosophie qui se traduit par trois questions simples posées aux personnes volontaires pour intégrer le dispositif : que savez-vous faire ? qu’avez-vous envie de faire ? qu’êtes-vous prêts à apprendre ?

Les dix premiers territoires d'expérimentations ont permis la création d'un millier d'emplois, à raison 70 emplois en moyenne par EBE auxquels s'ajoutent les embauches de demandeurs d'emploi ayant saisi des opportunités de recrutement dans le secteur marchand à la faveur de l'opération d'insertion.

Cette approche novatrice permet ainsi de passer de l'assistance à l'accomplissement par le travail en générant des économies pour la collectivité et des bénéfices pour les personnes et les territoires.


Pour en savoir plus :

Rapport public sur l'expérimentation

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Mis à jour le 22 avril 2021