Suggestion d'articles





Maquettes 3D : le prototype de l’innovation en continu
Le beau peut-il être utile ? À ce sujet de Bac philo, Maquettes 3D, entreprise de prototypage pour le conditionnement de parfums et de cosmétiques, répond par l’affirmative et le prouve. Dans le secteur du luxe, on peut produire en France, innover sans cesse, être leader européen sur son marché, tripler ses effectifs et multiplier par six son chiffre d’affaires en 15 ans. Une belle histoire d’entreprise accompagnée par la CCI d’Eure-et-Loir.
« Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ! » Maquettes 3D, entreprise de prototypage pour le conditionnement (l’enveloppe en contact direct avec le produit) œuvrant dans le secteur du parfum et de la cosmétique prouve, chaque jour, le contraire. Cette PME de 26 salariés, installée à Chartres (Eure-et-Loir), est tout simplement le leader en Europe sur ce marché de niche.
Un vrai-faux produit, plus vrai que nature

« La phase de maquettage de leurs produits est essentielle pour les directions marketing des grandes marques du luxe. Elles ont besoin de toucher, d’observer dans le moindre détail le prototype, un vrai-faux emballage primaire qui doit être plus vrai que nature pour aboutir, in fine, à un contenant tout à la fois esthétique et fonctionnel » confie Philippe Michel, le cogérant avec son associé Jacques Weil, de Maquettes 3D. Et c’est là toute la valeur ajoutée de cette PME située dans la « Cosmetic Valley » d’Eure-et-Loir qui, à partir d’une image de synthèse livrée par l’agence de design du client, réalise dans des délais records un prototype en plexiglass en trois dimensions pour visualiser ce que sera le futur produit, l’image qu’il exprimera et la perception que pourront en avoir les consommateurs.
Un résultat obtenu à l’issue d’un processus de production alliant modernité technique, avec imprimantes 3D et machines d’usinage 5 axes dernier cri, et artisanat de précision pour la finition manuelle et la plus esthétique possible du prototype.
Quand en août 2008, Philippe Michel et Jacques Weil, travaillant déjà tous deux dans le secteur du luxe – le premier dans l’emballage promotionnel pour le secteur du luxe, le second à la tête de Graphicolour, société spécialisée dans l’emballage secondaire – ont appris que Maquettes 3D, créée en 1986, était en vente ; ils n’ont pas hésité bien longtemps. « Certes le parc machines de l’entreprise était vieillissant mais le savoir-faire était là, ce qui était le plus important » analyse Philippe Michel.
Produire en trois jours au lieu de trois semaines
En prenant les commandes, les deux associés ont donné un coup de jeune et un coup d’accélérateur à l’entreprise. « Il fallait prendre rapidement le virage du numérique en plein essor, s’adapter et innover au risque de perdre des clients » se souvient Philippe Michel. La clientèle, celle des grandes maisons de la mode presque toutes installées à Paris, diversifiait alors ses produits : aux parfums, s’ajoutait toute une gamme de produits de soins et de maquillages pour répondre, notamment, aux nouveaux marchés à l’international qui s’ouvraient à l’époque. Maquettes 3D devait être en capacité d’y répondre en proposant des emballages pour cette diversité d’articles. Et y répondre rapidement ! Les commandes devenaient plus en plus complexes et les délais de production de plus en plus serrés
Conséquence, le temps imparti à l’entreprise pour concevoir ses prototypes et les présenter aux donneurs d’ordre est passé de trois semaines… à trois jours ! « C’est un mouvement d’accélération global dans le secteur : le time to market (mise sur le marché) entre la conception et la sortie du produit s’est réduite à moins d’un an contre deux ans auparavant » explique Philippe Michel.
Qualité et respect des délais
Pour tenir ce rythme, les dirigeants devaient investir dans des machines à commande numérique et des imprimantes 3D, agrandir l’usine pour atteindre une surface de 2 000 m2 d’ateliers et recruter des compétences complémentaires. « La qualité et le respect des délais sont les deux critères clés de notre activité » explique le dirigeant qui se félicite de la localisation de son entreprise à Chartres, à une heure des donneurs d’ordre parisiens et dans un territoire où le foncier est abordable.
Et cette exigence de qualité appelle une veille technologique permanente « pour maintenir l’outil de production à son maximum d’efficacité et pouvoir répondre au plus grand nombre de demandes possibles » explique le dirigeant qui écume les salons professionnels, en France, en Europe et pas uniquement dans son secteur d’activité. Et jusqu’en Chine deux ou trois fois par an « pour y dénicher des trouvailles techniques dont on peut s’inspirer dans notre métier ».
Au point que cette curiosité et cette ouverture d’esprit l’ont conduit à devenir un « hacker » ! Frustré de n’avoir pas pu honorer la commande d’un client dont les formes attendues du flacon n’étaient pas réalisables, le dirigeant a finalement trouvé dans le monde médical la solution. Il y a emprunté une technologie d’impression 3D « polyjet » de modélisation d’organes en résine synthétique pour permettre aux chirurgiens de s’entraîner avant d’opérer. Tout l’enjeu était d’adapter cette machine aux contraintes de la fabrication de contenant en plexiglas et de leur décoration en utilisant toute la gamme des couleurs pantone.
Le consultant spécialisé de la CCI
Pour y parvenir, le dirigeant s’est tourné vers la CCI Eure-et-Loir et son expert en Innovation et Bioproduits, Thierry Payot qui avait précédemment aidé l’entreprise à bénéficier de financements européens pour l’achat d’une machine d’usinage 5 axes. Pour réaliser le transfert de technologie du monde médical vers le secteur du cosmétique, l’expert de la CCI et ex-chercheur au CNRS a mis à la disposition du dirigeant son réseau dans les universités et dans les centres de recherche et lui a proposé la prestation consulaire « Cap R&D ». La CCI a accompagné globalement et sur la durée la PME ; de l’élaboration du cahier des charges jusqu’au bilan de l’action en passant par le montage du dossier et l’aide au choix du laboratoire partenaire. « Grâce à sa double culture – scientifique et d’entreprise – Thierry a pu parfaitement comprendre notre besoin et nous faire gagner du temps, se félicite l’entrepreneur, et sans oublier la recherche de financements ». Une prestation de consultant spécialisé en somme.

En partenariat avec un centre de recherche de l’Université de Rouen, l’entreprise a ainsi pu trouver, au Japon, un industriel capable de faire évoluer la machine d’origine pour produire des résines adaptées aux attentes du luxe et de la cosmétique. Finalement, Maquettes 3D a pu réaliser la commande non exaucée ce qui a servi sa communication et son positionnement sur le marché du visual merchandising que l’entreprise n’avait pas encore exploré…
Conscient que « le pari de l’innovation est toujours risqué » et que « le retour sur investissement dans la recherche et le développement n’est pas immédiat », Philippe Michel est pourtant convaincu que le salut de l’entreprise en passera par là. Maquettes 3D a d’ailleurs été lauréate des Trophées des entreprises 2023, catégorie innovation, décernés par la CCI d’Eure-et-Loir et le journal l’Écho Républicain.
Un boulanger, une bijoutière et un tatoueur dans la même équipe…
Mais l’entreprise investit aussi dans la formation et soigne son management. Une stratégie visiblement appréciée des collaborateurs. « Notre turn-over a une explication : les départs en retraite… » glisse en souriant Philippe Michel. Et Thierry Payot d’en rajouter : « les candidats se battent pour entrer dans cette entreprise familiale dont la production porte une part de rêve et de beauté ». Pour trouver ses précieux collaborateurs, Maquettes 3D est, de l’avis du conseiller de la CCI « très pragmatique ». L’entreprise n’exige pas pour les postulants maquettistes une formation spécifique mais en revanche une réelle motivation d’apprendre. La formation fait ensuite le reste. Philippe Michel s’amuse ainsi à rappeler que son chef d’atelier, 40 ans de maison, est un ancien boulanger pâtissier et que parmi les maquettistes, il peut compter sur une bijoutière de formation et un ancien tatoueur… « Le recrutement est un investissement au long cours car il faut compter entre trois et cinq ans pour qu’un maquettiste soit pleinement autonome dans sa fonction ». Mais pour Philippe Michel, le jeu en vaut la chandelle.
La PME chartraine aurait le luxe de pouvoir employer son savoir-faire dans d’autres secteurs d’activité comme l’automobile, de la publicité, de la santé ou de l’électroménager utilisateurs eux aussi de prototypes. La croissance en accélérée de l’entreprise qui lui a permis en 15 ans, de faire progresser les effectifs de 9 à 26 salariés et le chiffre d’affaires d’1,6 million à 9 millions d’euros, ne fait pourtant pas brûler les étapes au dirigeant. Il entend avancer prudemment mais sûrement, confiant dans les atouts de son entreprise : un outil industriel modernisé, des collaborateurs motivés, un écosystème territorial dynamique et la proximité de Paris.