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« L’intelligence artificielle, une nouvelle révolution à ne pas manquer ! »
Sur tout le territoire, dans le réseau des CCI locales, territoriales et régionales, des experts mettent leurs compétences au service des entreprises. Rencontre avec Alexis Grimal, conseiller en développement d’entreprise/transition numérique à la CCI Rouen Métropole qui diagnostique, accompagne et forme les porteurs de projet et commerçants dans leur appropriation du numérique.
Quel a été votre parcours professionnel ?
Alexis Grimal, conseiller en développement d’entreprise/transition numérique à la CCI Rouen Métropole
Après un Bachelor à Néoma Business School de Rouen, j’ai obtenu un Master 2 en Marketing communication et publicité à l’école supérieure de commerce de Rennes. Dans ce cadre, j’ai eu l’opportunité de terminer ma scolarité en passant un semestre au Sénégal. J’y ai ressenti l’importance de la formation et des nouvelles technologies pour se développer. De retour en France, à 26 ans, je me suis lancé dans la création d’entreprise pendant deux ans et demi pour faire la promotion de TPE via des vidéos à publier en ligne. J’ai ensuite rejoint une agence web marketing comme formateur pour aider les entrepreneurs à optimiser le référencement de leur site et leur présence sur les réseaux sociaux. Une activité intéressante mais épuisante car j’intervenais sur toute la France. Après une expérience en transformation digitale chez Castorama, j’ai pu intégrer la CCI Rouen qui recherchait un profil comme le mien connaissant le web marketing, la gestion de projet et le monde de la petite entreprise. C’était la synthèse de ma formation et de mes expériences ; je n’ai pas hésité !
Justement, en quoi consiste votre métier de conseiller numérique à la CCI ?
J’accompagne les PME et TPE du territoire dans leur transition numérique. Ayant rejoint la CCI pendant la période de confinement du Covid, l’essentiel de mon activité se concentrait alors sur l’incitation des commerçants à vendre en ligne leurs produits sur des plates-formes d’e-commerce. Ces webinaires n’ont clairement pas été une réussite. La raison était évidente : la faible appétence des commerçants avec le numérique. Ce n’est plus le cas maintenant. Le point bloquant de leur engagement actuellement, ce sont les moyens en temps et en argent. Bien que cotisant au fonds de formation, les entrepreneurs ne pensent pas à solliciter leur Opco pour financer l’acquisition de compétences numériques. Les créateurs d’entreprise que j’accompagne peuvent, de leurs côtés, mobiliser les fonds de leur Compte Personnel de Formation (CPF). De fait, les formations dédiées au marketing digital que nous proposons aux porteurs de projet – 60 % de notre clientèle - et aux commerçants – 30 % de nos clients - sont certifiantes et peuvent donc être, à ce titre, financées par les fonds de formation, le CPF ou France Travail. Ce sont des formations individualisées conçues sur mesure.
À titre d’exemple, un créateur d’entreprise qui veut se lancer dans le numérique doit le plus souvent choisir entre la création d’un site vitrine ou d’un site d’e-commerce avec des stratégies d’acquisition de trafic propres. Concrètement, on travaille le référencement naturel du site de l’entreprise en sélectionnant les mots clés du moteur de recherche le plus utilisé et on les conseille ensuite pour leur présence sur les réseaux sociaux avec une stratégie de contenus, un calendrier éditorial et la production de visuels attractifs. Notre objectif est, ce faisant, d’aider les entreprises à gagner en autonomie. Je suis persuadé que chaque entrepreneur, quels que soient la taille de son entreprise et son secteur d’activité, doit et peut apprendre à gérer le numérique de façon autonome au début, quitte à le sous-traiter par la suite. Et cela fonctionne ; en deux ans, nous avons accompagné une centaine d’entreprises.
Quel a été l’impact de l’apparition de l’Intelligence Artificielle (IA) générative, et notamment de ChatGPT, dans les entreprises que vous avez suivies ?
L’arrivée de ChatGPT en novembre 2022 a bouleversé les pratiques et fait gagner en productivité les entreprises. En une matinée de formation, les entreprises peuvent se familiariser avec ce que l’on appelle les « Large Language Model » ou grands modèles linguistiques qui permettent de lancer des requêtes optimisées à l’IA. Grâce à ces requêtes ciblées appelées « prompts », Chapt GPT génère directement la page de votre site optimisée SEO ce qui représente un gain de temps considérable et permet d’améliorer le référencement des pages du site internet. On peut aussi programmer l’outil pour qu’il produise une série de contenus pour nourrir le calendrier éditorial sur les réseaux sociaux en fonction des cibles visées par l’entreprise. Pour, par exemple, réaliser les fiches produits d’un site d’e-commerce, ChatGPT peut en premier lieu contribuer à définir le « buyer persona », autrement dit l’archétype des clients de l’entreprise, ce qui permettra de préciser les requêtes et d’aboutir à des fiches produit ciblées. Le dirigeant s’épargne ainsi des tâches répétitives et gagne du temps. En cinq minutes au lieu de deux heures quand on la rédige soi-même, on reçoit une fiche produit clé en main.
ChatGPT est devenu le fil rouge de toutes les formations que j’anime. Avec une recommandation : alimenter régulièrement en contenus vos sites et réseaux sociaux. Et j’insiste, le manque de temps ou d’argent ou le peu d’appétence pour l’écrit ne sont plus des excuses, quand on peut maintenant confier le travail… à ChatGPT !
Quel est le niveau de maturité numérique des entreprises de votre territoire ?
Il y a cinq ans, j’étais encore à convaincre les entreprises de l’importance d’un site internet ou des réseaux sociaux. On n’en est plus là ! Elles se sont rendu compte que leurs clients les utilisaient ; elles veulent s’y mettre aussi maintenant. En résumé, la maturité digitale est faible mais la prise de conscience de l’importance des outils numériques est forte.
Dans la pratique, les investissements des porteurs de projet dans les outils numériques se font d’abord en fonction de leurs moyens. Ont-ils les ressources suffisantes pour avoir tout à la fois un site internet et une présence sur les réseaux sociaux ou misent-ils directement sur un site d’e-commerce ? Majoritairement et pour des raisons de temps, les commerçants écartent l’idée d’avoir un site vitrine et s’engagent plutôt sur les réseaux sociaux, essentiellement Facebook ou Instagram en fonction de leur typologie de clientèle. Certains ont cependant déjà investi dans un site internet et veulent franchir une étape supplémentaire en valorisant leurs produits sur un site de commerce en ligne.
Proposez-vous, en plus de la formation, d’autres actions d’information ou d’accompagnement au numérique ?
Les CCI de la région organisent régulièrement des webinaires régionaux sur le numérique comme celui, en mars 2024, sur l’intelligence artificielle qui a rassemblé 180 personnes. Par ailleurs, les CCI de Normandie proposent aussi des conférences comme celle sur les IA génératives en décembre 2023. À noter que nous participons aussi aux opérations de transition numérique impulsées par l’État. Nous avons ainsi accompagné plus de soixante-dix d’entreprises. En 2024, la sensibilisation des entreprises porte sur la cybersécurité.
Quelles sont les conditions de la réussite des actions de transition vers le numérique ?
Concernant la formation, c’est en premier lieu l’implication des stagiaires. Et une implication qui doit être régulière et continue. La réussite dans le numérique est une course de fond, pas un sprint !
Et les freins à l’appropriation du numérique par les entreprises ?
Le premier frein est clairement la question du budget. Les entreprises ont la volonté de faire mais pas les ressources pour. La réponse est dans la programmation des actions dans le temps via notamment la mobilisation des fonds de la formation sur plusieurs années. Le second frein relève de leur organisation propre. L’enjeu pour les dirigeants est d’intégrer l’activité numérique dans le quotidien de la gestion de leur entreprise, de dégager du temps pour cela.
Mais les entreprises prennent la mesure des transformations en cours. Pour imager les choses, l’apparition de l’intelligence artificielle générative ressemble à celle d’internet à la fin des années 1990 : une nouvelle révolution à ne pas manquer !
Quant aux craintes d’uniformisation des contenus en raison de l’usage de l’IA générative, les entreprises ne doivent pas s’inquiéter. Même si la machine répond à des requêtes similaires, les contenus livrés ne seront jamais identiques. La différence se fera également par la qualité des requêtes adressées à l’IA. C’est là toute l’importance et la valeur ajoutée de l’expert, de sa connaissance de son activité pour, en amont, lancer la commande et, en aval, pour analyser le document livré. Seul l’expert métier pourra évaluer la pertinence des réponses des algorithmes. Son rôle est irremplaçable.
Comment définiriez-vous votre rôle auprès des entreprises ?
Comme un mentor qui aide les chefs d’entreprises à monter en compétences pour être les plus autonomes possibles et limiter ainsi le recours à des prestataires en vue de mieux maîtriser leur budget. Et pour y parvenir la meilleure voie reste la formation.