1er accélérateur des entreprises

« Je me définis comme un facilitateur-connecteur »

Sur tout le territoire, dans le réseau des CCI, des experts mettent leurs compétences au service des entreprises. Rencontre avec David Ferron, responsable de projets design et industrie du futur à la CCI Grand Lille.

Quel a été votre parcours professionnel ?

Après une double formation technique, en génie chimique et en innovation appliquée aux matériaux, et design industriel, j’ai commencé mes missions en matière d’innovation à Lille en 2002. Début 2007, je les ai poursuivies au sein de la CCI Grand Lille en tant que conseiller innovation.

david ferron

Au fur et à mesure de la structuration des clusters dans notre région, qui a fortement misé sur l’innovation pour rattraper son retard en la matière, la CCI a décidé d’orienter son accompagnement des entreprises avec des offres spécifiques : le design et la fabrication additive. Ainsi, dès 2008, la CCI Grand Lille a participé à un programme européen Interreg, dénommé Tripod-I, qui était dédié à la compétitivité par le design. Associant des partenaires de Wallonie en Belgique et du Nord-Pas de Calais, ce programme a permis d’accompagner 120 projets d’entreprise.

Par ailleurs, en 2014, nous avons initié un Club impression 3D inédit qui a réuni, dès son lancement, une centaine d’entrepreneurs et qui regroupe encore, à ce jour, plus de 500 personnes. Ces deux orientations stratégiques se retrouvent dans l’intitulé de ma fonction de responsable de projets design et industrie du futur et dans mon activité au service de l’animation de dynamiques collectives et partenariales dans le territoire.

Justement, en quoi consiste votre métier de responsable de projets design et industrie du futur à la CCI ?

Mon rôle consiste à sensibiliser, diagnostiquer et accompagner les entrepreneurs, individuellement mais aussi collectivement, aux solutions design et industrie 4.0. Pour démultiplier notre présence et notre efficacité, je travaille au quotidien avec des partenaires régionaux et belges. Notre but est de faciliter et d’accélérer le développement des entreprises de nos territoires respectifs en nous appuyant sur les écosystèmes régionaux. D’ailleurs, je partage régulièrement des outils et ma veille d’informations Innosphère, et sur mon compte twitter @innoveille.

Votre valeur ajoutée se situe donc dans la facilitation des projets d’entreprise…

Effectivement, centré sur le besoin de l’entreprise et très connecté à l’écosystème régional, je me définis comme un facilitateur-connecteur : facilitateur de projets d’entreprise et connecteur de solutions des CCI comme celles de ses partenaires. Mon rôle consiste à bien mesurer le périmètre du projet, les capacités et la motivation de l’entrepreneur, pour pouvoir trouver la meilleure solution. La proximité des CCI avec les entreprises et l’étendue de nos modes d’intervention, par ailleurs très hybrides, nous permettent d’apporter des solutions multiples. Elles peuvent intéresser aussi bien des startups proposant des objets connectés que des entreprises plus traditionnelles voulant faire évoluer ou moderniser leurs produits ou services.

designer réunion

Quelle est votre offre de services en matière de design ?

Notre intervention se déroule en trois temps. Nous analysons, tout d’abord, les besoins spécifiques à l’aide d’un diagnostic visant à intégrer le design dans la stratégie de l’entreprise. Nous pouvons, pour cela, nous appuyer sur les ressources de la boite à outils Tripod. À noter que le programme Tripod-II (2016-2021) a permis d’accompagner 80 projets. Ensuite, nous orientons les dirigeants d’entreprise, en fonction des préconisations identifiées, vers des agences de design en leur proposant à chaque fois au moins trois prestataires, français ou belges. Enfin, nous assurons un suivi des projets pour répondre à d’autres éventuels et nous communiquons sur les réussites pour valoriser les partenariats entreprises-designers les plus exemplaires.

Même si le programme Tripod-II (2016-2021) qui aura permis d’accompagner 80 projets se termine en mars 2021, nous poursuivrons notre engagement en faveur du soutien au design. À cet effet, la CCI Grand Lille met à disposition des entreprises qui souhaitent imaginer de nouveaux produits ou services son Design-Lab. Il s’agit d’un laboratoire destiné à susciter la créativité par le travail collectif grâce une approche de design thinking ou de codesign , L’implication de notre CCI dans les projets européens nous a aussi permis de proposer des solutions de design spécialement pensées pour les commerçants grâce aux ressources d’un autre programme Interreg, Design’In.

Et concernant l’industrie du futur ?

Notre action pour le développement de la fabrication additive, une des technologies-clés de l’industrie du futur, est assez complémentaire de notre soutien au design. Les designers ont, de fait, de plus en plus recours à cette technologie. Notre intervention dans le domaine de l’industrie 4.0 s’inscrit pleinement dans la dynamique REV3, mobilisant toutes les CCI de la région, qui vise la transformation du territoire vers une économie durable et connectée.

Dès 2014 et à la demande d’entrepreneurs, nous avons cherché à fédérer les opérateurs spécialisés de l’écosystème pour diffuser la connaissance en région et faciliter l’accès des entreprises de la région aux imprimantes 3D. À l’occasion du forum CCI Industry Days organisé par notre CCI en octobre 2017, nous avons voulu faire découvrir aux entreprises le potentiel de performance de l’industrie 4.0 mais aussi susciter des vocations auprès des jeunes en montrant une image moderne du secteur.

imprimante 3D

Qu’est-ce qui vous passionne dans votre métier ?

J’ai la chance de travailler sur des sujets porteurs de sens et j’essaie d’être toujours en avance sur ces thématiques. J’ai ainsi rejoint un collectif régional sur le biomimétisme qui collabore avec le Ceebios, le Centre d’études et d’expertises dédié au déploiement du biomimétisme en France. Il s’agit de s’inspirer des stratégies d’adaptation du vivant à son environnement pour proposer de futurs accompagnements aux entreprises. Et leur permettre, sur cette base, de développer des démarches de conception plus responsables, tant d’un point de vue écologique que social.

1 Le design thinking est une approche de l’innovation et de son management qui se veut une synthèse entre la pensée analytique et la pensée intuitive. Il s’appuie sur un processus de co-créativité impliquant des retours de l’utilisateur final.

2 Le codesign ou design collaboratif encourage la co-conception d’un produit ou service en sollicitant différentes compétences, internes ou externes, aux entreprises pour faire adhérer au projet.

 


Le design est capital

Le responsable de projets design et industrie du futur à la CCI Grand Lille livre sa définition du design, concept par nature polymorphe et polysémique, et du rôle du designer en entreprise.

« Le design est capital. » Le slogan de l’événement Lille, capitale mondiale du design, David Ferron pourrait le reprendre à son compte tant il est persuadé du potentiel économique de cet outil de développement et d’innovation pour les entreprises et les territoires.

Le design constitue une approche peu onéreuse et profitable. Selon une étude danoise "The economic effects of design" publiée en 2003, le design crée 22 % de croissance en plus sur cinq ans. Agissant sur quatre leviers prioritaires de l’entreprise – son offre, sa marque, sa relation client et ses processus – le design génère, de fait, des avantages multiples tant dans l’entreprise que pour ses clients et partenaires : motivation interne, vecteur d’innovation, amélioration de la qualité perçue, image de marque, confiance, fidélité, …

design impact schéma

Le designer, qu’il soit intégré ou externe à l’entreprise, est, selon le responsable design et industrie du futur à la CCI Grand Lille, une sorte de chef d’orchestre. Son travail pourrait se définir par les lettres T – U – I :

  • T comme technologie ou technique :

    La mise en œuvre d’un produit ou service suppose de faire appel à des modes de fabrication spécifiques et de prendre en compte les contraintes techniques associées comme, par exemple, les choix de matériaux ou les normes de production ou de qualité. Le design doit produire des produits ou services fonctionnels, respectant ses dimensions.

  • U comme usages et utilisateurs :

    Le designer se focalise prioritairement sur les conditions d’usage afin de proposer une expérience satisfaisante et optimale pour l’utilisateur. Le design se veut utile.

  • I comme identité et image :

    Le résultat d’une démarche de design doit contribuer à affirmer et à renforcer le positionnement de l’entreprise. En cela, il façonne l’identité et l’image de l’entreprise en adressant des signes aux utilisateurs ou clients potentiels (couleurs, formes, marques, packaging…). Le design vise la désirabilité.

David Ferron regrette que les projets d’industrie 4.0 ne prennent pas suffisamment en compte l’approche design. Le développement de nouveaux processus, produits ou services industriels gagnerait, selon lui, à prendre en compte leur usage par les clients et salariés. Et de suggérer d’entrer dans l’industrie du futur par le design et les designers.

Pour l’heure, les offreurs de solutions pour l’industrie du futur proposent, encore, des réponses exclusivement techniques. Et inversement, les designers ne sont pas impliqués suffisamment tôt dans les projets des industriels. Des coopérations sont pourtant envisageables pour, à titre d’exemple, rendre l’industrie plus frugale. Les designers peuvent contribuer à concevoir des produits plus économes en intrants et plus facilement recyclables. À la CCI de faciliter les rapprochements entre ces deux mondes… pour l’avenir d’une industrie assurément plus digitale et plus éco-responsable !


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Mis à jour le 2 mai 2024