1er accélérateur des entreprises

Vrai / Faux

Didier Ducrocq : « Bien peu de dirigeants anticipent la transmission ce qui peut conduire à la dévalorisation de leur entreprise lors de sa vente »

La transmission ressemble à un iceberg : l’essentiel du processus conduisant à la vente de l’entreprise est dissimulé et ce, pour garantir la bonne conduite du projet. C’est l’une des caractéristiques de cette opération qui nourrit des à priori et des idées reçues sur la transmission d’entreprise. Didier Ducrocq, conseiller expert en transmission d’entreprise et croissance externe à la CCI Eure-et-Loir accompagnant depuis 2006 une dizaine d’opérations chaque année, démêle le vrai du faux. 

Partie 1 

Faute de repreneurs, les entreprises cessent leur activité.

Vrai et Faux

 

Didier Ducrocq

 

La question à se poser est celle de la transmissibilité de l’entreprise, autrement dit sa capacité à être transmise compte tenu de ses caractéristiques et des conditions de sa transmission. Certaines entreprises peuvent être très difficiles à transmettre en raison d’une pyramide des âges très déséquilibrée, du fait du manque d’investissement depuis cinq ans, d’un manque de structuration de l’entreprise, du décalage de l’entreprise avec son marché ou bien encore de sa dépendance d’un ou deux clients réalisant, à eux seuls, 80 % du chiffre d’affaires. Conséquence logique, elles trouvent difficilement un acquéreur. L’autre raison majeure assez classique est la survalorisation de l’entreprise au moment de la mise en vente. À cet égard, l’affichage sur des plates-formes de cession d’offres présentes depuis plus d’un an, voire de deux ou trois ans, dissuade les repreneurs. In fine, ces entreprises cessent souvent leur activité sans trouver de repreneurs. 

Reprendre une entreprise coûte toujours plus cher que de créer sa boite.

Vrai

 

On peut effectivement créer son entreprise avec très peu d’argent tandis que vouloir reprendre une entreprise sans apport financier solide, c’est mission impossible ! Ce capital de départ est une condition nécessaire même si elle n’est pas suffisante. Il faut cependant préciser que sur la durée, l’importance de l’apport financier tend à s’équilibrer entre la création et la reprise. Une entreprise reprise qui fonctionne bien, qui génère des résultats depuis des années et qui a une trésorerie satisfaisante, a la capacité de financer son développement. Le repreneur gagne ainsi du temps dans son projet entrepreneurial, sans oublier les revenus qu’il peut se verser, ce qui n’est pas le cas des créateurs dans les premières années d’activité.  

« Plus le calcul lors de l’évaluation est cohérent et réaliste, plus les chances du cédant de vendre à un prix proche du calcul de départ sont grandes » 

Par ailleurs, une entreprise créée va avoir besoin de capital pour financer son développement. Et toutes les entreprises concernées ne sont pas des start-ups à fort potentiels susceptibles d’attirer des investisseurs lors de levées de fonds. 

La valeur d’une entreprise c’est son prix de vente.

Faux

 

Le prix de vente d’une entreprise peut être inférieur à sa valeur, ou inversement… Le repère à avoir à l’esprit est la manière dont l’entreprise a été évaluée dès le début du processus de transmission. Plus le calcul lors de l’évaluation est cohérent et réaliste, plus les chances du cédant de vendre à un prix proche du calcul de départ sont grandes. Les cédants doivent être vigilants : les repreneurs, leurs conseils et les banquiers sont très sourcilleux sur la méthode d’évaluation et sur la cohérence de la valorisation. Au passage, cela évite beaucoup d’échecs de transmission. 

Le critère le plus important pour déterminer la valeur d’une entreprise est sa capacité à générer de la rentabilité, autrement dit, son niveau d’excédent brut d’exploitation. Les revenus dégagés servent, très concrètement, à l’acquéreur à rembourser son emprunt. Mais bien sûr, ce même acquéreur regarde évidemment aussi la solidité de la trésorerie de l’entreprise et la maîtrise de son endettement, en d’autres termes, les liquidités, le « cash » disponible. 

Le manque d’anticipation constitue l’une des causes principales de l’échec des processus de transmissions.

Vrai

 

Le dirigeant prend très souvent la décision de céder son entreprise sans préparer cette transmission : il veut vendre sa boite dans l’année ! Étant au four et au moulin dans la gestion de son entreprise, il n’a pas anticipé sa succession et n’a pas mis en place, dans les deux ou trois années précédentes, les équipes et les compétences pour faciliter la transmission. Pour mettre toutes les chances de son côté et vendre dans les meilleures conditions son entreprise, il a tout intérêt à réaliser le plus tôt possible, pour nourrir son projet, un diagnostic de transmissibilité. Cette étape essentielle permet de mettre en perspective l’entreprise ce qui rassure le repreneur sur les fondamentaux de cette société. Le diagnostic permet aussi d’alerter le cédant sur les fragilités et les risques de sa structure comme la dépendance du chiffre d’affaires sur très peu de clients ou son défaut de structuration technique. 

« Si un candidat à la reprise affronte le refus de prêt de tous les établissements bancaires qu’il a sollicités, il doit entendre ce signal comme une alerte. » 

Malheureusement, bien peu de dirigeants anticipent la transmission ce qui peut conduire à la dévalorisation de leur entreprise lors de sa vente. Et pourtant, la préparation d’une transmission est aussi avantageuse d’un point de vue fiscal. La constitution d’un Pacte Dutreil permet ainsi d’alléger la charge fiscale de la transmission. S’il s’y prépare à temps, le chef d’entreprise peut aussi profiter d’une exonération des plus-values de cession en vue de son départ à la retraite. 

L’accès aux financements est un frein à la reprise ?

Faux

 

Si le prix de vente est cohérent, que les comptes de la société permettent de rembourser la dette liée à l’acquisition sans freiner le développement de l’entreprise, il n’y a généralement pas de soucis pour financer l’opération. Dans l’exercice de son rôle, le banquier analyse le risque associé à toute demande de financement. Si un candidat à la reprise affronte le refus de prêt de tous les établissements bancaires qu’il a sollicités, il doit entendre ce signal comme une alerte. Le prix de l’entreprise est sans doute trop élevé et/ou le repreneur n'apporte pas les garanties suffisantes.  

Concernant les aides à la reprise d’entreprise, celles-ci ne sont pas destinées à boucler un financement, sauf sur des dossiers de financement modestes, comme par exemple une acquisition d’une valeur de 200 000 euros avec un prêt d’honneur de 20 000 euros. Les aides ne sont que des compléments de financement : une sorte de cerise sur le gâteau, un apport ponctuel de liquidités pour aider le repreneur à accélérer le développement de l’entreprise.


Retrouvez la deuxième partie

Mis à jour le 23 mars 2023