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Année de la gastronomie : un champ de blé noir à l’honneur

Le jury de la saison 3 de l’Année de la gastronomie a mis le sarrasin à l’honneur. À Saint-Coulomb (Ille-et-Vilaine), le 17 septembre, la récolte de cette plante aux multiples vertus sera l’occasion de célébrer le renouveau de la production bretonne de blé noir qui sert à la confection des délicieuses galettes bretonnes. Une opération portée par l’entreprise de restauration Breizh Café.

C’est ici, au lieu-dit Le Lac, à Saint-Coulomb en Ille-et-Vilaine, entre Saint-Malo et Cancale, à quelques encablures de la baie du Mont Saint-Michel qu’est installée la ferme de Bertrand Larcher, président fondateur de Breizh Café, une entreprise de restauration comportant 19 crêperies, bars à cidre et épiceries fines (sous la bannière « la Maison du sarrasin ») installées en France et de neuf enseignes au Japon.

champ et tracteur

C’est là, dans cette ferme où pousse sur huit hectares (ha) le fameux « blé noir » servant à la réalisation des galettes, mais aussi 3 000 pommiers à cidre, sans compter les 15 ruches abritant des abeilles attirées par la plante aux fleurs mellifères, que se déroulera le 17 septembre « la fête du sarrasin ». Un événement labellisé « Année de la gastronomie » au titre de la saison estivale consacrant « le partage et le vivre ensemble ». Ce thème illustre pleinement la vocation du rendez-vous festif initié en 2020 par les équipes de Breizh Café à l’occasion de la récolte du sarrasin de la ferme. « Il s’agissait déjà, en plein Covid, de partager ensemble un bon moment, et même de revivre tout simplement, en dégustant en plein air des galettes » se souvient Laura Mariault, directrice adjointe de Breizh Café en charge de l’organisation de l’événement.

Galettes et palettes

Deux ans plus tard, les deux containers rouges posés à l’entrée de la ferme sont toujours en place pour y préparer galettes saucisses - la spécialité du département – et les barquettes de frites à savourer en plein air et en bord de champ, autour de tables construites avec des palettes recyclées. Avec cette année, un programme d’animations plus complet. Les plus petits comme les plus grands dégusteront bien sûr crêpes et galettes. Mais ils pourront aussi, à loisir, participer à une chasse au trésor, suivre des parcours pédagogiques sur la culture de cette plante qui fait partie de la famille des Polygonacées, débattre de son avenir et participer à des ateliers de cuisine. Une variété d’animations pour un seul objectif : valoriser les bienfaits de la jolie fleur blanche du blé noir, tant nutritionnels (riche en fibres, magnésium, protéines et glucides, antioxydants, faible en sucre), sanitaires (bénéfique à la santé cardiaque et digestive) que, bien évidemment, culinaires (galettes mais aussi au petit-déjeuner en granola ou porridge ou même en dessert).

Abeille

La reconnaissance de l’Année de la gastronomie, assortie d’une subvention de 20 000 euros, a permis d’étoffer le menu de cette fête du sarrasin en mobilisant pour l’occasion, non seulement, des cuisiniers mais également des historiens et des nutritionnistes. Un événement qui pourra ainsi, grâce à ce soutien financier, s’inscrire dans la durée.

Bio, locale, durable

Pour Laura Mariault, la participation de Breizh Café à l’Année de la gastronomie « est apparue comme une évidence : les termes de l’appel à projet de la saison estivale faisaient écho aux valeurs de notre entreprise ». Et de revendiquer d’une traite : « une gastronomie populaire, joyeuse, de partage, faisant honneur au terroir, contribuant à rendre attractif le territoire et valorisant les produits de saison, locaux et en circuits courts ». La labellisation de la fête du Sarrasin constitue « une grande fierté pour nous qui défendons une agriculture bio, locale et durable, renchérit Bertrand Larcher, heureux de cette reconnaissance de notre investissement pour défendre le patrimoine culinaire de notre région et de l’implication de nos équipes au quotidien ».

Galette au sarrasin

 

Les planètes de la galette semblent, de fait, bien alignées à tel point que l’événement labellisé se déroulera lors des journées européennes du patrimoine dont le thème cette année est la préservation d’un « patrimoine durable » s’appuyant notamment « sur des savoir-faire ancestraux ». Présent en France depuis le XVI ème siècle, le sarrasin a trouvé dans les sols pauvres de Bretagne un terrain propice à sa production au point d’en devenir un emblème de la gastronomie régionale, fruit du travail des paysans, des meuniers et des crêpiers.

Planètes alignées encore puisque Bertrand Larcher dédicacera lors de l’événement son ouvrage « Sarrasin, la renaissance d’une plante vertueuse, sa culture et sa cuisine » au lendemain de sa publication.

Pour un renouveau de la culture du blé noir

Cette fête est aussi une célébration, celle d’un renouveau espéré de la culture du blé noir. Car le sarrasin breton revient de loin. Cultivée largement et pendant des siècles en Bretagne, la plante a vu sa surface de production reculer massivement passant de 370 000 ha en 1900 à quelques milliers d’ha seulement de nos jours. Résultat : 70 % du sarrasin consommé sur le territoire armoricain est importé de Chine, du Canada et d’Europe de l’Est. Une hérésie pour le dirigeant de Breizh Café car « la plante est résistante et respectueuse de l’environnement : elle ne nécessite pour croître ni d’engrais, ni de produits phytosanitaires et est parfaitement adaptée au terroir breton et à ses sols pauvres ». Mieux encore, elle contribue à lutter contre les parasites et les adventices !

Pour sauver la culture de cette plante, un groupe de producteurs et de meuniers de la région a été constitué en 1987 pour relancer le « Blé noir tradition Bretagne » et qui a abouti à la reconnaissance d’une Indication Géographique Contrôlée (IGP) « Farine de blé noir de Bretagne ». L’enjeu est maintenant de convaincre les agriculteurs bretons de s’y convertir pour alimenter en quantité les meuniers de la région.

Bertrand Larcher

Parmi ceux-ci, le vieux Moulin de la Fatigue, situé à Vitré (35) travaille à la meule de pierre les graines du sarrasin bio de la ferme de Bertrand Larcher qui en produit en moyenne huit tonnes par an. Une production accaparée par ses crêperies et épiceries. Mais pour atteindre l’objectif d’autosuffisance du groupe, il faudrait tenir le rythme de 40 tonnes annuelles.

D’où la volonté du patron de Breizh Café d’acheter de nouvelles terres à Fougères (35) où est située sa deuxième ferme et surtout de convaincre des paysans de se convertir au blé noir en soutenant, si besoin, leur installation et en leur garantissant un prix régulier d’achat de leur culture. Une démarche a été lancée en ce sens en 2021 avec pour objectif de mobiliser à terme pour cette culture une centaine d’ha en France.

Concentration verticale

D’ici là, les projets vont continuer à Saint-Coulomb dans cette exploitation pratiquant l’agroforesterie en associant cultures et arbres. Pour varier les cultures, des variétés anciennes de froment seront semées. La ferme va aussi abriter prochainement un potager de légumes anciens destiné à alimenter les crêperies et boutiques du groupe. « Nous assumons notre volonté de maîtriser l’ensemble de la chaîne : de la production agricole à la transformation et à la vente des produits en passant par la formation » revendique le fondateur de Breizh Café.

L’ancien diplômé du Lycée hôtelier de Dinard, désireux d’élever le niveau de formation des crêpiers et de pourvoir aux besoins en compétences de ses propres établissements, a repris en 2015 le centre de formation « l’Atelier de la crêpe » situé à Saint-Malo. Depuis la première promotion de 2018, c’est près d’une centaine de crêpiers qui sont formés chaque année aux exigences et à la globalité de l’exercice du métier. Parti au Japon pour suivre son épouse japonaise et pour y ouvrir en 1996 « la première crêperie authentiquement bretonne de l’archipel », Bertrand Larcher y a appris « la rigueur et l’importance du détail pour satisfaire une clientèle exigeante ». C’est ce que veut transmettre à son tour le professionnel aux stagiaires qui, pour la grande majorité d’entre eux, entendent ouvrir leur propre restaurant. Forme-t-il ainsi ses propres concurrents ?

« Notre seul objectif est d’améliorer la qualification des crêpiers ce qui bénéficie à l’activité économique de notre territoire. Nous, restaurateurs sommes des commerçants, mais aussi des acteurs du tourisme ! »

Salon de thé

 

L’entrepreneur, prophète hors de son pays et ambassadeur de la gastronomie bretonne au Japon, se définit comme « un passeur de cultures ». Revenu sur ses terres légitimer et développer son affaire, il en a profité pour faire connaitre la cuisine japonaise dans sa région d’origine en ouvrant à Cancale un restaurant japonais étoilé et un bistrot de cuisine traditionnelle nippone à Saint-Malo.

Cet adepte de la « slow food » ne perd pourtant pas de temps. Fils de paysans de Fougères qui rêve d’acquérir au moins 200 ha de terres agricoles supplémentaires pour les transmettre à ses cinq enfants, Bertrand Larcher a bâti un empire de la galette. Une réussite qui a attiré l’attention du groupe Pinault qui est devenu actionnaire minoritaire de Breizh Café. Une chaîne qui fait travailler 300 personnes en France et 80 au Japon et qui prévoit d’ouvrir une ou deux enseignes par an. Une croissance qui ne lui fait pas perdre de vue une idée qui lui tient à cœur : faire inscrire la galette bretonne au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Un nouveau défi ? Une nouvelle étape plutôt…

Mis à jour le 13 septembre 2022