Accord post-Brexit : quelles nouvelles relations commerciales entre l'UE et le Royaume-Uni ?
Londres et Bruxelles ont annoncé jeudi 24 décembre avoir trouvé un accord commercial qui régira leurs relations économiques à partir du 1er janvier 2021, dans la foulée du Brexit. Il aura fallu neuf mois seulement aux deux parties pour parvenir à ce texte de 1.500 pages, alors que la conclusion d'ententes de cette envergure prend habituellement des années.
Voici les grands compromis trouvés :
C'était le point de blocage le plus dur. L'accord prévoit finalement qu'au terme d'une période de transition de cinq ans et demi, jusqu'en juin 2026, les pêcheurs de l'UE devront chaque année reverser au Royaume-Uni une somme équivalant à 25% de leurs prises dans les eaux britanniques (soit 160 millions d'euros environ). L'accès aux eaux britanniques devra alors être renégocié annuellement. Michel Barnier a estimé que cet accord demanderait "des efforts" aux pêcheurs de l'UE, mais il a assuré qu'ils seraient "accompagnés" par Bruxelles.
Comme prévu, l'UE offre avec cet accord un accès inédit à son immense marché de 450 millions de consommateurs, sans droits de douane ni quotas, pour "tous les biens qui respectent les règles d'origine appropriées". L'accord permet ainsi d'éviter une rupture dans les chaînes de production, qui aurait été très problématique pour certains secteurs comme l'automobile.
Cependant, si l’accord garantit zéro taxe douanière et zéro quota, le Royaume-Uni sera bien considéré comme un pays tiers, ce qui suppose des formalités douanières et des contrôles sanitaires et phytosanitaires. Déclarations d'importation ou d'exportation, autorisations de transit pour le transporteur, certificats de conformité ou encore TVA, …les entreprises auront tout de même de nombreux formulaires à remplir pour importer ou exporter et le risque d’embouteillage aux frontières est réel.
Les produits exportés du RU vers l’UE bénéficieront de l'accord seulement si plus de 40% de leur valeur préfinie est d'origine britannique ou européenne (transformés au RU et réexportés vers l’ UE). Les produits originaires de pays comme le Japon et la Turquie, avec lesquels le Royaume-Uni et l'UE ont un accord commercial, ne seront pas assimilés à des produits d’origine britannique.
Le Royaume-Uni et l'UE s'engagent à respecter des conditions de concurrence équitables "en maintenant des niveaux de protection élevés dans des domaines tels que la protection de l'environnement, la lutte contre le changement climatique et la tarification du carbone, les droits sociaux et du travail, la transparence fiscale et les aides d'État". Si l'une des deux parties manque à ses obligations en la matière, il sera possible de prendre "des mesures correctives", comme instaurer des droits de douane. La crainte de voir le RU devenir un «Singapour sur Tamise» semble ainsi écartée.
Si le Royaume-Uni ou l'UE ne respecte pas le traité, un mécanisme contraignant de règlement des différends, comme il en existe dans la plupart des accords commerciaux, sera chargé de trancher les litiges. Face à la ferme opposition de Londres, la Cour de justice de l'Union européenne n'interviendra pas dans ce processus. Un "conseil conjoint" veillera à ce que l'accord soit correctement appliqué et interprété
Il n'y aura plus de reconnaissance automatique pour les médecins, infirmiers, architectes, dentistes, pharmaciens, vétérinaires, ingénieurs. Ils devront désormais rechercher la reconnaissance dans l'État membre dans lequel ils souhaitent exercer.
Les ressortissants britanniques n'auront plus la liberté de travailler, d'étudier, de créer une entreprise ou de vivre dans l'UE. Des visas seront nécessaires pour les séjours de plus de 90 jours. La coordination de certaines prestations de sécurité sociale (vieillesse et maladie) restera cependant assurée.
Le personnel détaché dans l'UE pour affaires pourra rester jusqu'à trois ans s'il s'agit de cadres et de spécialistes et jusqu'à un an pour des stagiaires. Les travailleurs détachés qui resteront dans l'UE devront obtenir une autorisation préalable. En revanche, des accords de réciprocité ont été conclus «pour faciliter les voyages d'affaires de courte durée et les détachements temporaires d'employés hautement qualifiés».
Le Royaume-Uni sortira du programme d'échange d'étudiants Erasmus (mais les étudiants d'Irlande du Nord pourront continuer à y accéder) . Il continuera en revanche de participer au programme phare de l'UE, Horizon Europe, en tant que membre associé contributeur pendant sept ans. Il poursuivra aussi son engagement dans Copernicus et Euratom.
Le Royaume-Uni ne fera plus partie du système de mandat d'arrêt européen. Il ne sera plus membre à part entière d’Europol ou d’Eurojust mais continuera à coopérer avec l’UE dans ce cadre, ainsi que dans le cadre du système d'information Schengen (fichier des biens volés et personnes disparues). A noter aussi la poursuite du partage de données sur les mouvements des passagers aériens et des ferries, un outil clé dans la lutte contre le terrorisme.
Les fournisseurs de services de télévision et de vidéo à la demande ne pourront plus offrir de services aux téléspectateurs de l'UE à moins qu’ils ne délocalisent une partie de leurs activités dans un État membre de l’UE.
Dans le cadre d'un accord temporaire, les avions de passagers et de fret pourront toujours voler et atterrir dans l'UE, y compris les vols en escale. Les transporteurs pourront par ailleurs continuer à conduire sans permis spéciaux .
Des points restent en débat
- L'accord ne concerne pas les services financiers, qui seront traités à part.
- Il ne concerne pas non plus la politique étrangère, de défense et de développement.
- Par ailleurs, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a souligné que les négociations se poursuivaient pour préserver la libre circulation des biens et des personnes entre l'Espagne et Gibraltar, enclave britannique sur la péninsule ibérique.
Le texte est entré en application provisoire le 1er janvier 2021 : il devrait être validé rapidement par le Parlement européen.
Relation économique avec le royaume-uni : les enjeux pour les entreprises françaises
Cette étude, co-produite par la CCIR Auvergne-Rhône-Alpes et CCI France, examine et approfondit tous ces enjeux, sur la base des négociations au 15 octobre 2020.
À partir d’entretiens menés en région Auvergne-Rhône-Alpes avec des entreprises affectées par le Brexit, l’étude analyse et synthétise les conséquences du Brexit pour les entreprises sur la base de l’état des négociations au 15 octobre 2020.
Au-delà des difficultés de court terme liées au retour d’une frontière avec le Royaume- Uni, elle met l’accent sur l’évolution des conditions de commercialisation sur ce marché ainsi que sur les nouvelles conditions de concurrence avec les entreprises britanniques, sur les marchés européens et dans le monde.
Elle élabore enfin des recommandations aux entreprises, aux réseaux d’accompagnement et aux pouvoirs publics, en tenant compte des trois scénarios possibles (absence d’accord, accord global, accord partiel).